Le visiteur qui arpente les venelles de Kouba admire certainement les charmantes petites maisons au toit de tuiles rouges. Il peut aussi marquer une halte pour contempler l'ancienne mosquée qui connaît des travaux de restauration ou l'église St-Vincent-de-Paul située en contre-haut. Mais l'endroit qui l'attire le plus est l'atelier de la céramique d'art implanté dans la rue Bouchfaâ. « On ne peut résister aux chants des sirènes provenant de l'intérieur de l'atelier Boumehdi », reconnaît un admirateur de l'artiste décédé tout juste il y a une année. Pour les connaisseurs, l'artiste est la référence incontestable des céramistes algériens. Découvert en 1966 par l'architecte français Pouillon, M. Boumehdi cesse son activité de postier et ouvre un atelier pour se consacrer exclusivement à la céramique d'art. La première rencontre avec l'architecte chargé par le ministère de réaliser les complexes touristiques a eu lieu à la villa des Arcades, résidence datant du XVIe siècle. Son fils Toufik nous rapporte un extrait de l'entretien : « Après avoir examiné des carreaux de céramique décorés par mon père, M. Pouillon lui a demandé de lui montrer sa main, puis il s'exclama : ‘‘mais vous avez de l'or dans cette main'' ». Juste après le décès du père, certains ont cru que l'activité connaîtrait une perturbation. Rien n'est plus faux. Les visiteurs intéressés ainsi que des touristes étrangers continuent d'affluer vers l'atelier qui ne désemplit pas. Il garde toujours sa fidèle clientèle. « Quiconque s'approche de l'atelier est attiré comme s'il s'agit d'une force magique qui l'entraîne vers la salle des expositions », a affirmé la même admiratrice. Effet vérifié. Une fois à l'intérieur, le visiteur est émerveillé en se retrouvant dans un monde féerique qui n'existe nulle part ailleurs. Des lampes de chevet, des appliques murales, des vases, des panneaux entiers magnifiquement décorés. Un attachement est vite éprouvé quant à ces arabesques ; quant aux couleurs, telles que le bleu turquois, le vert et le rouge ocre, elles témoignent d'une harmonie. Tous ces objets de valeur dégagent une richesse symbolique. Ils attestent aussi d'un contact entre les différentes cultures et civilisation. On y voit des carreaux reproduisant les mêmes scènes de la ville de Delft. On y trouve des carreaux décorés d'une manière identique à celle des carreaux tunisiens ou espagnols datant du XVIe siècle qui revêtent jusqu'à présent les murs des anciennes résidences de la Casbah d'Alger. D'autres objets reproduisent des miniatures perses. D'autres encore évoquent une spiritualité propre au soufisme. « Cette délicieuse incursion dans ce monde plein de sensualité, nous permet de nous faire découvrir notre identité culturelle véhiculée à travers une œuvre d'art, de renouer avec notre histoire enrichie grâce à l'apport des autres cultures. Elle permet aussi de nous faire découvrir également l'âme de tout un peuple qui a résisté aux caprices du temps. Mais le grand mérite revient au génie de ces artistes qui ont préservé un art ancestral », a précisé notre interlocuteur.