La capitale française abritera aujourd'hui la première phase multilatérale de ce qu'on doit considérer avec beaucoup de réserve, le processus inauguré il y a un mois dans la ville américaine d'Annapolis. Il s'agit bien entendu de la conférence dite de paix ayant réuni Palestiniens et Israéliens notamment, avec les maigres résultats que l'on connaît. Ce qui n'a pas empêché l'administration israélienne de renier ses engagements en relançant la colonisation dans la ville sainte d'El Qods. Il n'était donc pas inapproprié que ces accords sont morts à Tel-Aviv, sauf bien entendu, si Israël est rappelé à l'ordre comme l'avait demandé le président de l'Etat palestinien dans un appel urgent adressé au président américain George Bush. Normalement, et au regard de la manœuvre israélienne, il n'y aurait pas lieu de céder à un quelconque calendrier. D'un autre côté, la réunion de Paris doit rassembler des donateurs, et déjà les Etats-Unis se sont engagés à débloquer la somme de 500 millions de dollars. Au-delà de la bataille des chiffres, des questions surgissent. Pourquoi cet argent ? S'agit-il de celui qui avait été bloqué en raison de l'embargo de fait imposé aux Palestiniens ? L'intitulé de la conférence stipule que quelque 90 délégations doivent se retrouver pour une conférence internationale destinée à appuyer les difficiles discussions de paix engagées à Annapolis, en soutenant financièrement l'émergence d'un Etat palestinien. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, sont attendus pour cette rencontre autour du président palestinien Mahmoud Abbas. Israël doit envoyer sa ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, à cette conférence, alors que l'économie palestinienne reste lourdement pénalisée par les restrictions à la circulation imposées par l'Etat hébreu au nom de la sécurité. L'Autorité palestinienne attend quelque 5,6 milliards de dollars sur trois ans (2008-2010) pour financer un plan destiné à soutenir son budget, et lancer des projets destinés à améliorer la vie quotidienne des Palestiniens. L'Autorité palestinienne va réclamer une aide de 7,1 milliards de dollars, a récemment indiqué le ministre palestinien de l'Economie. « Nous allons soumettre un plan de relance de l'économie palestinienne en 2008, fondé sur une aide de 1,6 md USD, et un plan triennal de réformes et de développement pour 2008-2010 nécessitant un budget de 5,5 mds USD », a affirmé Kamal Hachssouneh. Il a précisé que ces fonds permettront notamment de financer des salaires de fonctionnaires, des projets gouvernementaux d'infrastructures et enfin, une refonte des services de sécurité. Environ 70 pays, de l'Union européenne, du Moyen-Orient, membres du G8 (Etats-Unis, Japon, Russie, Canada...), grands pays émergents (Chine, Brésil, Inde...), seront représentés, en majorité, à un niveau ministériel. Une vingtaine d'organisations (ONU, Ligue arabe...) ou institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale, Banque européenne d'investissement, fonds financiers arabes...) seront également présentes. Il s'agira de la plus importante conférence des donateurs pour les Palestiniens depuis celle qui s'était tenue, à Paris déjà, en 1996, indique-t-on au ministère français des Affaires étrangères. En outre, le département d'Etat américain a, par ailleurs, indiqué qu'une réunion du quartette (Etats-Unis, Russie, ONU, UE) devait se tenir en marge de cette conférence des donateurs. Voilà donc ce qu'il en est au plan statistique. Si la réunion est à dominante économique, elle se veut partie intégrante d'un processus de paix plus large. « Derrière le soutien financier, il y a un appui politique », fait valoir un diplomate français. La réunion d'Annapolis, le 27 novembre dernier, avait débouché sur un engagement politique de tenter de parvenir à un Etat palestinien avant la fin 2008. Les sommes recueillies devront aller aux Palestiniens de Cisjordanie, contrôlée par l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, mais aussi à ceux de la bande de Ghaza, dominée par le mouvement islamiste Hamas. La conférence de Paris devrait plaider pour un assouplissement progressif des restrictions israéliennes de circulation (il y a 550 barrages israéliens en Cisjordanie) et un effort accru des Palestiniens en matière de sécurité. « Les deux doivent avancer parallèlement », estime une source diplomatique française, même si le décaissement des fonds internationaux ne sera pas strictement conditionné à ces objectifs. Est-ce que cette conférence ressemblera à celle qui l'a précédée, ou bien, marquera-t-elle une rupture, mais de quelle nature ? Le temps des promesses qui ne seront pas tenues, les Palestiniens le connaissent si bien. Il a débouché sur une situation explosive.