Négociations n Le scepticisme sur les chances de succès des négociations de paix israélo-palestiniennes reste palpable à la conférence d'Annapolis, malgré l'engagement solennel des deux parties à tout faire pour parvenir à un accord l'an prochain. Cet engagement a été arraché par le président américain quelques minutes à peine avant le début de cette conférence internationale destinée à relancer un processus de paix moribond. George Bush a invité le Premier ministre israélien et le président de l'Autorité palestinienne à venir, aujourd'hui, mercredi, « à la Maison-Blanche pour inaugurer les négociations», a déclaré la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, à l'issue de cette conférence ayant réuni à Annapolis une cinquantaine de pays et d'organisations. L'engagement des deux parties porte sur des questions clés à savoir le statut de Jérusalem, le sort de plus de quatre millions de réfugiés palestiniens, des colonies juives dont les Palestiniens réclament le démantèlement, le partage des ressources en eau et délimitation des frontières. Israéliens et Palestiniens sont convenus de lancer «immédiatement des négociations bilatérales en toute bonne foi pour conclure un traité de paix résolvant toutes les questions pendantes», a expliqué George Bush en ouvrant la conférence. Ils se sont engagés à faire «tous les efforts possibles pour parvenir à un accord avant la fin de 2008», a-t-il ajouté. Un comité de pilotage, dirigé par la ministre israélienne des Affaires étrangères et le chef des négociateurs palestinien Ahmad Qorei, se réunira pour la première fois le 12 décembre prochain. Echaudés par une série d'échecs, la communauté internationale et les Américains veulent encadrer de près le processus. Les Américains sont désignés pour juger de l'avancée des négociations. Deux conférences internationales de suivi se dérouleront à Paris le 17 décembre prochain et à Moscou, début 2008. Certains participants à la conférence n'ont, cependant, pas caché leur déception. «Rien n'incite à l'optimisme», a ainsi déclaré un diplomate arabe, affirmant que «les Arabes en général sont déçus». «Il n'y a pas d'engagement clair à respecter une date-butoir, c'est seulement un engagement à déployer des efforts», a ajouté ce diplomate ayant requis l'anonymat. Pour des experts, la déclaration commune israélo-palestinienne, arrachée à la dernière minute, est trop vague car elle n'énumère même pas les questions en suspens qu'Israéliens et Palestiniens s'engagent à résoudre avant la fin 2008. Pour Mahmoud Abbas, toutefois, Annapolis est une opportunité qui «ne se répétera pas». Et Olmert a affirmé qu'Israël était prêt à un «compromis douloureux» pour la paix. Il a évoqué la possibilité d'un retrait israélien des territoires occupés depuis 1967, sans en préciser l'ampleur. Syrie / Israël : la relance des négociations l La Syrie, qui n'est venue qu'après de longues hésitations à la conférence internationale d'Annapolis, a lancé, hier, mardi, un appel à reprendre les négociations de paix avec Israël, suspendues depuis 2000, à un moment de forte tension avec l'Etat hébreu. «En dépit de toutes les difficultés et des opinions divergentes sur cette conférence à Annapolis, la Syrie espère que notre réunion d'aujourd'hui constituera un point de départ pour un processus de paix global et juste sur tous les volets de négociation lancés par la conférence de Madrid», a déclaré le vice-ministre syrien des Affaires étrangères. Le représentant syrien a rappelé que la Syrie avait mené des négociations de paix avec cinq gouvernements successifs sans succès, affirmant qu'elles avaient été interrompues en 2000 par Israël. Il a réaffirmé le soutien de Damas à l'initiative de paix saoudienne endossée en mars dernier, par la Ligue arabe rappelant qu'elle prévoyait une normalisation totale des pays arabes avec Israël en échange d'un retrait total des territoires occupés depuis 1967 et donc du plateau du Golan. La Syrie avait attendu l'avant-veille de la réunion pour annoncer sa participation après avoir obtenu des Etats-Unis qu'y soit abordé son conflit territorial avec Israël sur le plateau du Golan, occupé par Israël en 1967 et annexé en 1981. Lors des travaux de la conférence d'Annapolis, la ministre israélienne des Affaires étrangères s'est tournée vers le vice-ministre syrien pour lui faire part de l'espoir d'Israël de faire la paix avec son voisin du nord, selon un responsable de la délégation israélienne. Scepticisme l Des territoires palestiniens en passant par le Liban et l'Iran, sans oublier les colons israéliens, les opposants à la conférence de paix d'Annapolis se sont fait entendre, hier, mardi, au Proche-Orient. De violentes manifestations ont éclaté, la plus meurtrière faisant 1 mort et 35 blessés à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. A Ramallah, les policiers ont tiré des coups de feu en l'air, faisant voler en éclats les vitres d'une mosquée pour contenir quelque 400 manifestants du Hizb al-Tahrir, un groupuscule islamiste. Des dizaines de militants ont été arrêtés. Les journalistes présents ont reçu ordre de quitter les lieux. Le correspondant de la chaîne de télévision satellitaire du Qatar, Al-Jazira, a été battu par les policiers, selon des témoins. Les manifestants, rassemblés au centre-ville, ont exigé l'arrêt de la colonisation israélienne en Cisjordanie et ont marqué leur solidarité avec les prisonniers palestiniens détenus en Israël. Quelques milliers de colons israéliens, eux aussi opposés à cette conférence, avaient manifesté, lundi dernier, à Jérusalem, sans toutefois réussir à mobiliser l'opinion contre un éventuel démantèlement des colonies de peuplement. Au Liban, les manifestations ont réuni plusieurs dizaines de Palestiniens vivant dans des camps de réfugiés dans le sud du Liban, à l'appel du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). A Téhéran, les dirigeants, par la voix du porte-parole du gouvernement, se sont contentés d'inviter les chefs des groupes palestiniens hostiles à la conférence. A la dernière minute... l Il s'en est fallu de peu, hier, mardi, pour que la conférence d'Annapolis ne s'ouvre sans que le président George Bush soit en mesure de lire le texte de l'accord israélo-palestinien qui représentait la grande nouvelle du jour, a indiqué la Maison-Blanche. Ce n'est que quelques minutes avant que Bush ne prenne la parole, et après l'intervention du président américain dans les négociations, qu'Israéliens et Palestiniens ont finalisé le document, a rapporté la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino. A son arrivée à Annapolis, Bush a été informé par sa secrétaire d'Etat Condoleezza Rice qu'Israéliens et Palestiniens étaient tout proches d'un accord, mais qu'il restait certains points à régler, selon Dana Perino. «Le président a aidé à finir, ils les a aidés à résoudre leurs différends», a-t-elle dit. Rice s'est, à nouveau, retirée avec les négociateurs pour retravailler la déclaration, qu'elle a ensuite rapportée alors que Bush était en réunion avec le Premier ministre israélien et le chef de l'Autorité palestinienne. «Le président a alors dit : pourquoi est-ce que ne je lirais pas ceci au début de mon discours ? Et tout le monde a été d'accord sur la question», a relaté Dana Perino. Il n'était pas prévu initialement que Bush lise cette déclaration parce que les Américains n'étaient pas sûrs qu'Israéliens et Palestiniens arriveraient à s'entendre, a assuré la porte-parole. Bush a ainsi dû chausser ses lunettes pour lire le document parce qu'aucun tirage particulier n'en avait été fait. Dana Perino s'est gardée de dire sur quoi les discussions achoppaient et en quoi l'intervention de Bush avait été utile, assurant ne pas connaître ces détails.