Il est presque chimérique de dissocier le débat sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme de la charte portant paix et réconciliation nationale. Cette mesure présentée comme l'unique solution à la crise algérienne et seule parade au terrorisme a fini par faire douter de son efficacité. Si les dispositions de ladite charte ont pu convaincre des partisans de la violence de jeter leurs armes et de se rendre, amenuisant ainsi les rangs des terroristes, elles ont toutefois eu pour incidence la réorganisation de tout un modèle de lutte contre le crime terroriste. Passer du tout sécuritaire à une étape de réconciliation n'a pas été sans peser sur le travail des services de sécurité eux-mêmes, qui se sont vu tenus de s'adapter à une nouvelle phase de combat. En sus des mesures de pardon offertes aux repentis, l'Etat a présenté des garanties afin de motiver les potentiels candidats à la repentance, en diminuant l'ardeur des éléments des services de sécurité. La série de libérations des détenus liés au terrorisme et la légion de repentis depuis la loi sur la concorde civile n'ont pas été sans impact sur la mobilisation des éléments des services de sécurité. De l'avis de tous, les récents attentats d'Alger ont dévoilé une défaillance du renseignement. La faute incombe à tout un système de sécurité qui pourtant avait été cité en exemple de lutte contre le terrorisme durant les plus fortes années de terreur en Algérie. Quelle est donc cette faille que les groupes terroristes ont exploitée afin de se voir qualifier comme la matrice d'une nouvelle génération de violence, à l'heure où tout le monde s'attendait à son extinction ? Si la réponse à cette question appartient à des spécialistes de la chose sécuritaire, il nous appartient de relever certains faits qui nous semblent utiles de souligner. Durant la fameuse décennie noire, un corps assimilé par les services de sécurité s'est vu remercié pour son apport et appelé à remettre ses armes. Il s'agit des patriotes qui ignorent jusqu'à l'heure actuelle quel a été leur statut et leur devenir. Une fin de mission et un retour chez eux, où leurs voisins ne sont autres que des repentis jadis ennemis. Une autre garantie de la disponibilité du pouvoir à aller jusqu'au bout de sa logique réconciliatrice, mais qui semble ne pas se soucier de l'autre pan de la tragédie nationale. L'application de la charte portant paix et réconciliation nationale ne peut se voir que comme une arme à double tranchant. Si elle est censée renforcer les rangs des repentis, dans l'espoir de couper l'herbe sous le pied des groupes terroristes et permettre l'utilisation du maximum d'informations en vue de démanteler les réseaux des récalcitrants, elle est toutefois perçue comme un signe de faiblesse. La politique de la main tendue a montré ses limites en ne se fixant pas de date butoir et en consacrant l'impunité. Alors que tour à tour, les hauts responsables du pays continuent de lancer des appels au pardon, les candidats à la repentance ne se bousculent pas au portillon. Ils semblent même prendre leurs aises dans les maquis, puisqu'ils sont certains d'êtres accueillis les bras ouverts une fois leur besogne terminée. « Pourquoi relâcher des assassins ? ». Il reste à méditer sur cette phrase lâchée par les familles des victimes du 11 décembre dernier à la face du ministre de la Solidarité nationale afin de comprendre que rien n'est encore réglé.