Le procès intenté par Achour Abderrahmane, le principal accusé dans l'affaire du détournement de 32 milliards de dinars de la BNA, contre le journal El Watan a eu lieu dimanche au tribunal correctionnel d'Alger. Après avoir fait passer une centaine d'affaires concernant des prévenus non détenus, le président a appelé à la barre la journaliste Salima Tlemçani et son directeur Omar Belhouchet (absent pour des impératifs professionnels). Achour Abderrahmane, debout au box des détenus, est le premier à prendre la parole. C'est à partir de la prison que sa plainte a été déposée. D'emblée, il se présente comme « un homme d'affaires très propre », mais « sali » par la presse à cause des articles qui le mettaient à la une des journaux. Il déclare que la caricature le montrant en train de distribuer des billets à des policiers « est une atteinte à sa probité » et à celle des commissaires de police. Achour Abderrahmane tente de démontrer que tout ce qui a été publié à son sujet, « exception faite pour 5% des informatisons » précise-t-il, n'est que diffamation. « Il faut mettre un terme à cette presse qui porte atteinte à l'honneur des gens honnêtes », lance-t-il. Le président donne la parole à la journaliste qui précise que, dans la plainte, Achour Abderrahmane reproche au journal d'avoir écrit qu'il fréquentait les casinos parisiens et qu'il avait une seconde épouse marocaine, des révélations prouvées par des documents remis à son avocat. « Il est normal que la presse s'intéresse à Achour Abderrahmane, parce qu'il est cité dans une affaire de détournement de 32 milliards de dinars d'une banque publique », explique la journaliste, avant que le plaignant ne l'interrompe en lançant : « Je suis poursuivi pour complicité et détournement et non pas de détournement. De plus, elle parle de 32 milliards de dinars, je défie quiconque de révéler le montant exact, y compris la banque. » Le juge interroge Dehour Abderrahmane sur les informations qu'il a jugées diffamatoires et contenues dans l'article en question. « Elle dit que je fréquente les casinos pour nuire à ma réputation. Je suis un homme d'affaires et mes réunions se font généralement dans de grands restaurants, qui sont également des lieux de jeux. » L'avocat de la journaliste, Me Bourayou, lui demande s'il connaît un certain Aziz Derouaz. « C'est mon ami… », répond-il. L'avocat : « Ce même ami révèle dans un procès-verbal que vous vous rencontriez dans les casinos parisiens où vous êtes connu comme étant un grand parieur. » « Un grand voleur » Me Bourayou exhibe également un article de la presse marocaine faisant état de la déclaration de l'avocat de Achour Abderrahmane au Maroc, qui argumente l'impossibilité de l'extradition de ce dernier par le fait qu'il soit un homme d'affaires bien installé au Maroc depuis 2 ans, où il s'est marié avec une ressortissante marocaine. En vertu de quoi, il a eu sa carte de séjour. Achour Abderrahmane proteste : « C'est ce que dit l'avocat, il est libre, moi à chaque fois qu'on me voit avec une femme, il la présente comme mon épouse, même Fella Ababsa n'y a pas échappé. » Achour Abderrahmane accuse la presse en général de l'avoir présenté « comme un grand voleur » et va jusqu'à dire qu'à chaque fois qu'il rencontre le juge, ce dernier lui demande ce qu'il attend pour engager des poursuites contre les journalistes. Son avocat Me Adli ne met pas de gants pour accuser la presse d'avoir créé le dossier Achour Abderrahmane, violé le secret de l'instruction et porté atteinte à la justice. A ce titre, il demande une réparation de 100 millions de dinars. Pour sa part, Me Bourayou s'est déclaré surpris de cette demande, qui selon lui, pouvait contribuer à rembourser les 32 milliards de dinars détournés des caisses du contribuable. Il explique que les journalistes sont en droit d'écrire sur cette affaire, « car il s'agit de vol de 3200 milliards de centimes, au moment où des Algériens fouillent dans les poubelles pour se nourrir ». Pour la défense, le contenu n'a rien de diffamant, puisque toutes les informations sont prouvées, et que des poursuites judiciaires sont actuellement en cours, pour les mêmes faits révélés par la journaliste. A propos de la violation du secret de l'instruction, Me Bourayou rappelle les deux entretiens accordés à la presse par le plaignant à partir de la prison, pour s'exprimer justement sur des affaires pendantes au niveau du parquet. L'avocat s'est interrogé sur les arguments qui ont poussé le procureur à demander une peine de 3 mois de prison ferme et 5000 DA d'amende, alors que tout au long du procès, la barre était du côté des prévenus, venus avec des preuves, contrairement au plaignant. Le président annonce que le verdict sera connu le 6 janvier prochain.