Avec ses 70 000 habitants, Ras El Oued, chef-lieu de daïra, vit mal sa situation de ville prise entre les griffes d'une explosion démographique effrénée et l'absence quasi totale d'une quelconque dynamique susceptible de réguler ces déferlantes vagues de marée humaine, pour la plupart en âge de travailler, et pour cause, ici on ne compte pas une seule fabrique, dérisoire soit-elle, excepté l'artisanat qui emploie une minorité. Le projet de création d'une zone d'activité demeure otage des tiroirs ; à l'APC on parle de force occulte hostile à l'ouverture de ce pôle, dont l'étude aurait été achevée et soumise à qui de droit, sinon la cité offre l'impression d'une barque ivre, allant aux quatre vents. Le peu d'espace, qui a échappé au bradage, a profité à certains quidams reconvertis en investisseurs dans le bâtiment, notamment le LSP, créneau qui leur a permis, en un temps record, d'amasser des fortunes, aidés en cela par des textes, qui ont été contournés, et la connivence de quelques commis de l'Etat et élus malintentionnés. « Ils veulent le beurre et l'argent du beurre », tel a été le commentaire du chef de l'exécutif à propos de ces pseudo-investisseurs, lors d'un entretien accordé à notre quotidien le 30 Avril 2007, soit trois jours avant les évènements dramatiques de Ras El Oued (3 mai). Le foncier, quant à lui, est l'autre tare qui fait tache d'huile. « Combien de responsables, de passage dans la ville, avaient bénéficié de lots de terrain sous des prête-noms pour les revendre ensuite à des prix exorbitants ?! », s'interrogent des fonctionnaires, installés depuis des décennies, et qui auraient été écartés injustement. Malheureusement, les maux qui rongent la cité ne se limitent pas à l'insalubrité des HLM, lesquels sont devenus des dépotoirs à ciel ouvert pour les bataillons de misérables qui subsistent de mendicité, les milliers de recalés du système scolaire, qui se droguent et errent à longueur de journée, les dizaines de pères de famille désespérés qui se donnent la mort, les centaines de femmes sans défense, contraintes de vendre leur honneur pour un poste du filet social. A cela s'ajoutent l'anarchie du transport, l'incapacité de l'ADE à récupérer des milliers de mètres cubes d'eau potable, raccordée, en catimini, au réseau des eaux usées et la recrudescence de la violence ; d'ailleurs, pas plus tard que jeudi, une centaine de jeunes s'est attaquée au complexe sportif, saccageant toutes les vitres sans que personne ne bouge le petit doigt, tout cela pour dire que Ras El Oued est une ville de contraste. Il se peut que pour ces raisons, une grande partie de la population a « répudié » à jamais les urnes, puisque le RND s'est adjugé la première place aux élections APC avec 3 sièges, totalisant 2 600 voix sur 27 000 inscrits. Un défi que devra relever la nouvelle équipe APC, car la précédente avait vécu au rythme des dissidences. L'avenir nous le dira.