La chambre d'accusation près la cour d'Alger a rejeté la demande de mise en liberté provisoire au profit du directeur technique d'Air Algérie, détenu depuis le 5 décembre dernier. Elle a décidé de placer sous mandat de dépôt les trois autres cadres qui étaient en liberté. Le dossier prend une nouvelle tournure et suscite de lourdes interrogations. La chambre d'accusation près la cour d'Alger vient de rejeter la demande de mise en liberté provisoire au profit de Rachid Akrour, directeur technique d'Air Algérie, en détention depuis le 5 décembre dernier. La même chambre a décidé de la mise en dépôt de trois autres cadres, qui étaient pour deux d'entre eux, MM. Zaouali et Zemmouchi, sous-directeurs d'approvisionnement, placés sous contrôle judiciaire et le troisième, Slimane Benahmed, en liberté provisoire. L'affaire concerne une plainte déposée en mars 2006 par le défunt PDG, Tayeb Benouis, à l'encontre des responsables du service technique et d'approvisionnement de la compagnie aérienne, pour « surfacturation et corruption ». Ce n'est que le 5 décembre dernier que le juge d'instruction près le tribunal d'El Harrach a entendu au moins une vingtaine de personnes, citées dans le rapport d'enquête de la brigade économique de la police judiciaire sur « des marchés douteux pour l'achat de pièces détachées ». Les avocats de Akrour se déclarent « surpris » par la décision de la chambre d'accusation, notant que celle-ci « n'a pas pris en considération le caractère commercial de l'affaire, puisqu'il s'agit de la non-exécution de deux contrats commerciaux d'approvisionnement en pièces de rechange. L'un passé en 1997 et l'autre en 2004 ». La défense relève par ailleurs que l'ex-directeur technique « était le premier à demander la suspension des relations commerciales avec le fournisseur américain, ASA, pour non-respect des clauses du contrat ». Pour elle, il n'y a dans le dossier « ni corruption, ni détournement, ni dissipation, ce qui le classe dans le volet strictement commercial ». Il est clair pour les avocats que cette affaire « cache un règlement de compte », d'autant que Rachid Akrour « devait être nommé en janvier 2008 » à la tête de la filiale Air Algérie Technique. « Cette nomination n'a pas été du goût de certains clans au sein de la compagnie, ceux-là mêmes qui ont mis en branle la plainte et qui ont mal vu le fait qu'il se soit opposé à la signature d'un contrat d'approvisionnement avec un fournisseur américain. Il a même réussi à faire intégrer la compagnie dans le pool d'Air France, pour l'approvisionnement rapide en pièces de rechange et sans intermédiaires », expliquent les avocats. Mieux encore, ils révèlent que Akrour s'est énergiquement opposé et par écrit à la vente des Boeing 767 à un certain Rosenberg, qui devait par la suite les affréter à Air Algérie. « Il a exprimé son refus de cautionner une telle opération, estimant que les appareils en question étaient en bon état et qu'ils pouvaient être utilisés par la compagnie au lieu que celle-ci ne recourt à l'affrètement. Mais l'opération a été engagée », souligne la défense, ajoutant que de telles positions « causent nécessairement des dommages ». Revenant à l'objet de la plainte, la défense précise que le premier contrat d'approvisionnement en pièces de rechange, signé en 1997 pour un montant de 1,2 million de dollars US, avait une durée de validité de 5 ans. « L'opération de 2004 n'est qu'une régularisation d'un bon de commande établi en 2001. Si la direction technique n'avait pas payé, le fournisseur aurait procédé à la saisie des appareils de la compagnie. » Ils notent par ailleurs qu'à la suite de la lettre de dénonciation à l'origine de cette affaire, des missions d'inspection ont été dépêchées par l'inspection générale et la direction de la sûreté interne d'Air Algérie, « mais leurs investigations se sont avérées infructueuses », précisant en outre que « l'ensemble » des travailleurs et leur syndicat ont exprimé « leur solidarité et leur soutien aux mis en cause. Ce qui est une meilleure preuve de leur probité et intégrité ». A signaler que cette affaire a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Les avis sont partagés au sujet de la véracité ou non des faits reprochés aux mis en cause. Certaines sources internes à la compagnie affirment que le fournisseur américain ASA achetait des pièces de rechange « usagées » chez Boeing pour les revendre à Air Algérie, en « bénéficiant d'une marge bénéficiaire exorbitante, partagée avec certains cadres de la compagnie aérienne, et ce, pendant des années », jusqu'à ce que le défunt PDG décide de résilier le contrat et de déposer plainte pour « corruption et surfacturation ». Mais la question qui reste posée est de savoir pourquoi ce dossier n'a pas été instruit dès le dépôt de plainte en mars 2006, et est resté suspendu jusqu'en décembre 2007, à quelques semaines seulement de la nomination de Akrour à la tête de la filiale Air Algérie Technique ? Y a-t-il un lien entre cette affaire et la cession des avions de la compagnie ? Y a-t-il une relation entre ce dossier et la politique de filialisation de la compagnie ? Peut-on mettre cette affaire sur le compte de luttes d'intérêts entre les puissants lobbies américains et français qui se disputent le marché algérien ? Autant de questions dont les réponses ne pourront être données que si la justice traite le dossier en dehors de toute pression politique ou lutte de clans.