Un Etat souverain est un Etat qui peut subvenir aux besoins de sa population à travers la maîtrise de son économie en encourageant le travail productif généré par les ressources humaines qualifiées dont il dispose. La maîtrise de ses finances et l'exploitation rationnelle de ses richesses naturelles sont autant d'atouts qui lui éviteront d'hypothéquer la liberté de son peuple. Lorsqu'il sera démuni des moyens pour la survie de sa population et ne disposera plus de ressources suffisantes pour couvrir les besoins de cette dernière, il dépendra alors de l'assistance que voudront bien lui accorder les pays riches et les institutions financières internationales qui « hypothéqueront sa souveraineté » en s'immisçant dans la gestion interne de son économie lui imposant « leurs » produits, « leurs » logistiques et « leurs » prix, le rendant encore plus vulnérable. Pour échapper à ce piège, l'Algérie des années 1960, jalouse et soucieuse de la préservation de sa souveraineté, s'est dotée d'une flotte de commerce à même de pouvoir répondre en partie aux ambitions de la politique économique et industrielle de son époque. Le piège qu'elle n'a pu éviter fut celui du monopole qu'elle a octroyé à son armement étatique unique interdisant tout investissement privé au transport maritime et ses activités annexes sous pavillon national. Cette aberration conséquente d'une mauvaise formulation de la Constitution a desservi les investisseurs privés algériens désireux d'investir dans ce secteur d'activité par la création de PME/PMI comme il se fait à l'étranger. La Compagnie algérienne de navigation CNAN (pour la citer) était le « seul challenger » national opposé à la concurrence internationale sur le marché de nos échanges extérieurs après l'indépendance du pays. Le monopole de l'Etat sur le transport maritime et ses activités annexes ainsi que les protectionnismes qui l'accompagnent ont tout de même permis le développement d'une importante flotte marchande sous pavillon national. Cette flotte appartenant à l'Etat avait pour objectif de contribuer à la logistique du commerce extérieur de l'Algérie de l'époque selon ses moyens et aux ambitions avouées de répondre aux besoins logistiques du commerce extérieur de l'Algérie dans sa globalité. Relevant le défi, les « enfants » de cette compagnie nationale de navigation firent de leur entreprise un armement redoutable et redouté dans ses moments de gloire, lorsque sa flotte, principal outil de travail, répondait aux besoins du marché de l'époque. Cette compagnie possédait les fleurons de la flotte existante en Méditerranée. Elle était présente dans le transport maritime de nos échanges extérieurs à concurrence de 12% sous pavillon national et toutes les activités annexes dans les ports lui furent greffées telles que La manutention (jusqu'à la création de la Sonama). Le remorquage. La consignation. Le courtage, le transit. L'acconage, etc. En plein essor, la CNAN s'est dotée de plusieurs types de navires tentant de répondre aux besoins de tous les segments de marché du transport maritime spécialisé de l'époque tels que Le transport des marchandises diverses. Le transport des vins. Le transport des céréales. Le transport industriel (colis lourds, biens d'équipement, etc.). Le transport des passagers. Le transport des hydrocarbures et des produits chimiques. Cette compagnie étatique, qui a connu un essor rapide grâce aux investissements insufflés par l'Etat, le monopole dont elle bénéficiait et la mobilisation de ses « enfants », allait atteindre rapidement son apogée en devenant la proie de dirigeants malintentionnés choisis sur des critères subjectifs (régionalisme et autres) et des coups bas de la concurrence internationale. Ce géant au pied d'argile devenu dangereux pour la concurrence internationale allait être miné de l'intérieur par ceux-là même qui étaient censés contribuer à son développement. La distribution de la rente allait accentuer le recrutement, et une pléthore de personnels non qualifiés et improductifs allait envahir l'entreprise, semant la démotivation de certains employés, car la règle du salaire égal à travail égal n'a pas été respectée. Le choix des dirigeants de cette entreprise étatique effectué sur des critères subjectifs commençait à semer la discorde et la démotivation des employés (tant à terre qu'en mer). La corruption commence à miner la compagnie à tous les niveaux et la répression contre toute critique constructive ou dénonciation de malversation s'installait au nom de l'Etat. Une gestion « mafieuse » a gangrené l'entreprise victime de lutte de clans et des intérêts inavoués de ces opportunistes. Chacun sait que l'aiguillon classiquement fondamental de chaque entreprise est la recherche du profit, ce qui lui garantit sa survie. Cette quête de profit habite normalement plus souvent le « secteur privé » plutôt que le « secteur public » pour des raisons évidentes. Le monopole aidant à la CNAN, le client n'était pas le roi mais le « casse-pied », en cas de réclamation pour insatisfaction d'une prestation grassement payée. L'agressivité commerciale des promoteurs privés étrangers concurrents de la CNAN va venir à bout et accentuer le déclin de cette entreprise publique en corrompant d'abord certains de ses employés. Les retours d'informations commerciales en provenance du marché que cette compagnie capitalisait, base fondamentale sur laquelle se fonds la stratégie commerciale d'une entreprise de transport maritime, étaient déviés de l'intérieur vers les entreprises concurrentes par certains « cadres initiés » de la CNAN, « suprême trahison dans une entreprise de transport maritime ». La maîtrise de ces types de renseignements peut développer le chiffre d'affaires d'une entreprise. Les communiquer à la concurrence signifie agir à l'encontre des intérêts de l'entreprise pour la mener à la ruine. Les responsables de tels agissements ont été dûment récompensés par les entreprises concurrentes au pavillon national qu'ils renseignaient . Aujourd'hui, ils dévoilent au grand jour leur appartenance à la partie adverse, puisqu'au nom de la libre économie de marché, certains « ex ! ex ! » se sont installés en tant que dirigeants des filiales de ces sociétés concurrentes narguant ainsi le pavillon national qu'ils ont ruiné et dont ils avaient pour mission de préserver les intérêts. Ils sont connus et, pour le petit peuple qui n'a rien compris, ces « traîtres » au pavillon national sont l'exemple de la réussite. Sous prétexte que les navires de la CNAN ne répondaient plus aux besoins des clients (porte-conteneurs, moyens modernes de chargement, etc.), la politique d'affrètement a été encouragée, avec pour objectif d'éliminer des lignes régulières l'armement en propriété. Mais l'Etat a sa part de responsabilité, soit par mauvais calcul, par négligence, par incompétence, soit par silence complice de hauts dignitaires. Aujourd'hui, la marine marchande traverse une zone de turbulence, conséquence des coups bas qui lui ont été assignés et chacun fait semblant d'avoir bonne conscience. Pour certains, la CNAN a été victime de mauvaises restructurations des années 1980. Au risque de me faire encore des amis pour ma mauvaise langue, la CNAN qui fut la deuxième entreprise nationale après Sonatrach a surtout été victime de l'incompétence de « certains cadres » qui furent désignés à sa tête sur des critères subjectifs et qui n'avaient aucune fomation dans le maritime, certains firent leur apprentissage dans ce domaine d'activité sur le dos de la compagnie et mirent leur expérience, une fois acquise, au profit des étrangers. Certains cadres racontent qu'un PDG de la CNAN, sans citer son nom, administrait son conseil de direction avec son revolver sur le bureau parce que, paraît-il, le personnel de la CNAN était composé de durs à cuire ! Par contre, il faut rendre hommage aux universitaires qui en plus de ceux qui ont porté l'entreprise à son apogée depuis sa naissance, des cadres honnêtes et compétents ont tenté de dynamiser les activités commerciales de cette entreprise. Les a-t-on écartés parce qu'ils gênaient cette « mafia de l'ombre » qui brise tout cadre qui entrave ses intérêts ? Pourquoi l'opinion publique n'a-t-elle pas été informée des motifs qui ont suscité cette révocation ? Pourquoi la presse ne demande pas leur point de vue sur ce qui vient de se passer sur la rade d'Alger ne serait-ce que pour enrichir nos mémoires ? La démocratie voudrait que chacun puisse exprimer son point de vue sans peur de représailles, alors pourquoi ces ex-cadres ne se manifestent-ils pas, ont-ils des choses à se reprocher, comme le stipulent les mauvaises langues ? Aujourd'hui, ce sont les cargos et leurs équipages, mais demain ce sera peut-être nos méthaniers et les terminaux pétroliers/gaziers de Sonatrach, alors chacun devra répondre de ses responsabilités devant l'histoire. L'histoire de la CNAN n'est que la partie visible de l'iceberg qui menace toute notre économie. En jetant un bref regard sur le passé, nous constaterons que les investissements consentis pour le développement du transport maritime sous pavillon national et de ses activités annexes furent brutalement gelés la fin de l'année 1979. Pour citer un exemple de 1973 à 1979, la CNAN a acquis en propriété 65 navires répondant à plusieurs types de transport maritime. L'acquisition de ces navires a contribué au développement des PIB et PNB par la création de richesses telles que l'emploi et autres ainsi que par l'exportation des services quand elle mettait ses navires à la disposition de deux pays étrangers pour leurs échanges commemciaux respectifs. On appelait alors cela une exportation de services qui rapportait une plus-value au produit national brut. La CNAN possédait alors une flotte de 70 navires tous types confondus. Comme d'autres entreprises publiques, la CNAN n'a pas échappé aux restructurations des années 1980. En économie, on appelle cela la segmentation du marché. De cette segmentation du marché (restructuration) sont nées de nouvelles entreprises spécialisées. C'est ainsi que sont nées les entreprises et les sociétés suivantes : SNTM-HYPROC (ex-direction des transports des hydrocarbures) ENTMV (ex-direction des passages) SNTM-CNAN (ex-direction des lignes régulières Nord et Sud) GEMA (ex-direction des agences) Les remorqueurs furent rétrocédés aux entreprises portuaires, etc. Retracer l'historique de la CNAN équivaut à se remémorer l'histoire de la marine marchande algérienne. Nous ne pouvons revivre l'histoire de ces années sans nous poser les question suivantes : 1. Quelles ont été les causes et les sources du progrès qu'a connu le pavillon national depuis l'indépendance de L'Algérie à ce jour ? Long débat contradictoire qui requiert la présence et l'avis des parties impliquées et des professionnels. Ce type de débat peut être organisé par l'ENTV à condition que ce lourd média s'intéresse aux problèmes qui minent notre pauvre marine et les 1200 km de côtes qui constituent notre domaine public maritime. La clochardisation du domaine public maritime due à une très mauvaise gestion constitue, à elle seule, un sujet d'actualité, aussi pour ne pas nous égarer nous éviterons d'aborder ce dernier. 2. Comment déterminer l'avenir de ce secteur d'activité considérant son passé ? A cette deuxième question, je me hasarde à répondre comme suit et ce n'est qu'un point de vue : Quel est le diagnostic de la flotte de commerce actuelle ? Vu leur âge, la non-conformité de leurs équipements aux normes d'une rigoureuse réglementation en matière de sécurité maritime internationale, certains navires sous pavillon national sont interdits d'escale dans les ports étrangers et donc condamnés à disparaître du trafic international. La moyenne d'âge dépasse les vingt ans. Bon nombre d'entre eux sont déjà immobilisés dans les ports algériens ou à l'étranger, en attente d'une décision de désinvestissement autorisant leur vente. En conservant pour la plupart leur équipage et le personnel de bureau qui leur est affilié en plus du manque à gagner, ils occasionnent des charges inutiles qui grèvent encore plus le budget de fonctionnement de la société. Pour les ports qui les abritent en plus des quais qu'ils occupent inutilement, ils constituent un danger permanent pour l'environnement maritime. Les solutions aux problèmes techniques à l'origine des immobilisations d'un bon nombre d'entre eux requièrent des investissements assez onéreux qui risquent de ne pouvoir être amortis pour des navires de cet âge avancé et qui ne répondent plus aux besoins du marché par leur mode d'exploitation technique et commercial. Les investissements consentis à la longévité ambitionnée d'un navire doivent pouvoir être amortis durant cette dernière, car plus ils seront onéreux et plus les charges seront conséquentes durant la période en question, ce qui réduit la marge des résultats au risque d'entraîner un déséquilibre du bilan en cas de déficit commercial ou de surcoût d'exploitation. Les difficultés d'approvisionnement en pièces de rechange pour divers motifs accentuent également les immobilisations. Pour les assurances, la durée de vie théorique d'un navire est de 15 ans. Au-delà, les assureurs lui imposent une « surprime d'âge », sauf s'il est employé sur une ligne reconnue comme régulière, ce qui entraîne d'autres surcoûts d'exploitation. La rénovation de la flotte requiert avant tout l'assurance de la maîtrise du marché du fret. Le fret est disponible, mais c'est la politique et la stratégie commerciales de l'entreprise de transport qui sont à revoir. (A suivre)