A l'occasion de la célébration du 50e anniversaire du cinéma algérien à Annaba, l'histoire de cet art a été passée en revue lors du « Jeudi culturel », organisé par la direction de la culture. Des cinéastes, des réalisateurs, des acteurs et des historiens venus de divers horizons ont été réunis pour la circonstance au palais de la culture et des arts Mohamed Boudiaf. En présence du public et des représentants de la presse, ils se sont succédé pour parler du cinéma algérien passé, présent et avenir. Longue est la liste de noms illustres, qui, au déclenchement de la guerre de Libération de l'Algérie, s'étaient armés d'une caméra. Ils ont, au péril de leur vie, fixé à tout jamais sur pellicule des scènes d'héroïsme des moudjahidine dans leur combat libérateur de la barbarie sanguinaire de l'armée coloniale, de la souffrance du peuple et de sa joie à l'indépendance. Ils ont bien accompli leur mission et l'ont poursuivie bien après. Une encyclopédie en quelque sorte, qui évoque le long chemin parcouru par le 7e art algérien, tout en dressant un tableau des acquis qu'il a enregistrés et de puis de son déclin. Une encyclopédie dont de nombreux passages ont été soigneusement cités par le Dr Ahmed Cheniki, enseignant universitaire et Djamel Eddine Hazourli. Les deux personnalités ont cité, dans l'ordre chronologique des événements de notre cinéma, des dizaines de noms d'hommes et de femmes de cet art comme René Vautier, Djamel Chanderli, Paule et Pierre Chaulet, Pierre Clément, Jacques Charley, Mohamed Lakhdar Hamina, Merzak Allouache, Aïssaoui, Bouabdallah, Ifticène… Pour connaître des pages d'histoires de notre cinéma, il fallait juste évoquer un des noms de ces réalisateurs. Il y a eu la Palme d'or décrochée au Festival de Cannes, la seule et première à ce jour pour l'Afrique, remportée par le film Chroniques des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina. La curiosité des participants était somme toute légitime et satisfaite par les nombreux détails révélés lors de ce jeudi culturel. En fait, MM. Cheniki et Hazourli avaient dans leurs gibernes respective un gigantesque vade-mecum du 7e art algérien. En les écoutant, nous avions le sentiment que d'autres pans restaient ensevelis dans une obscurité bien trop épaisse sur le déclin de notre cinéma. Tous deux ont parlé de la disparition des 360 salles de cinéma sur les 400 qui existaient au lendemain de l'indépendance et des différentes entreprises comme le Centre national du cinéma, le Centre algérien des industries cinématographiques, le Centre de formation cinématographique dès 1993. Des disparitions qui auraient pu servir comme base de travail pour écrire une chronique d'une mort annoncée, comme celle des films réalisés dont on n'entend plus parler ou d'autres détériorés. La mort du cinéma algérien. « L'image est le tremplin de la communication » a affirmé Djamel Eddine Hazourli, d'une voix presque éteinte, comme pour ne pas embarrasser. On a beaucoup reproché au Dr Cheniki d'être un analyste implacable de tout ce qui touche au cinéma et au théâtre en Algérie. Dans sa communication sur l'histoire du cinéma algérien 50 années après, on retiendra son sens de l'observation des événements et sa tentative de combattre l'oubli de certains. Les participants à ce Jeudi culturel de Annaba ont compris qu'hormis quelques événements ponctuels ou circonstanciels, la politique culturelle nationale a sombré corps et âme dans notre pays. Le cinéma en est la principale victime. Depuis la fin des années 1980, l'éducation cinématographique n'existe plus. Le 7e art s'est transformé en un vaisseau fantôme encalminé dans le port des illusions perdues des réalisateurs. Comme pour le sport, on vit de réminiscences des années « fastes » et des succès emmagasinés par Vautier, Chanderli, Frantz Fanon, Yacef Saâdi, Lakhdar Hamina, Amar Laskri, Bouamari, Mostefa Lachref, Allouache, Ahmed Rachedi, Bakhti et beaucoup d'autres. Des souvenirs aussi avec ces films qui ont fait et qui font toujours le bonheur des salles de cinéma à travers le monde, comme L'Algérie en flamme, Chronique des années de braise, L'Opium et le bâton, La Bataille d'Alger, Patrouille à l'Est, Le Charbonnier… Et dire que les têtes pensantes du Pentagone prennent en référence dans leur stratégie de lutte contre le terrorisme, le film La Bataille d'Alger de Pontecorvo. Ils suivent également et avec une grande attention la projection de tous les films sur les divers aspects de la vie réalisés par des Algériens, durant la période faste des lendemains de l'indépendance, et jusqu'en 1990.