Synthèse de Sihem Ammour à la veille de l'extinction des projecteurs de la troisième édition du Festival international du film arabe d'Oran, El Bahia remporte d'ores et déjà le trophée de l'hospitalité cinématographique l'élevant au statut de capitale arabe du 7ème art. En effet, cette troisième édition a été marquée par un nombre record de participants de qualité, dont près de quarante réalisateurs de renommée internationale, venus des quatre coins des pays arabes. L'ouverture du festival avait été marquée par l'effervescence qu'il avait suscité chez les Oranais émoustillés, entre autres, par la présence de l'actrice égyptienne à la longue carrière Nabila Obeid, le comédien égyptien Ahmed Badir qui n'a pas hésité à aller au-devant de ses admirateurs, et la belle Yousra, qui marquera cette édition par sa fameuse phrase en tamazight en lançant un «hamlakhkoun atas atas» (je vous aime beaucoup) au public. Pour rappel, déjà, lors de la première édition, les participants et les organisateurs algériens avaient souligné «la réussite honnête» de la manifestation. Quant aux Irakiens, Syriens ou Egyptiens et autres participants étrangers, ils avaient mis en exergue la découverte d'une Algérie sereine loin des images sanglantes diffusées par les médias occidentaux. Une constatation qui s'est bonifiée au fil de ces trois dernières années. Les spécialistes du cinéma soulignent à ce sujet que «le bilan des deux précédentes éditions du Festival international du film arabe s'est caractérisé par un large succès Aujourd'hui, de Los Angeles à Dubai, en passant par Le Caire, Ramallah, Beyrouth, Damas ou Paris, des producteurs, des cinéastes, des acteurs, des journalistes arabes expriment leur souhait d'être présents au Festival d'Oran». Par ailleurs, coïncidant avec la célébration d'«El Qods, capitale éternelle de la culture arabe», la lutte palestinienne et sa résistance face à l'occupation sioniste par les armes et aussi par la caméra étaient au cœur de cette grand-messe du cinéma arabe. Au-delà des paillettes et des artifices, le festival a déroulé le tapis rouge pour exprimer la solidarité indéfectible des Algériens et du monde arabe avec la Palestine. Le ton est donné dès l'ouverture avec l'émouvant hommage au réalisateur palestinien Rachid Macharaoui ; le message est également très fort avec sa nomination en tant que président du jury des longs métrages. Le film du réalisateur palestinien intitulé Anniversaire de Leïla est, par ailleurs, retenu dans la catégorie hors compétition De même, les productions palestiniennes les plus récentes étaient également présentes en force au rendez-vous des cinéphiles d'El Bahia avec notamment deux longs métrages signés par deux talentueuses cinéastes, Anne-Marie Jacir et Cherine Debs. Ces deux femmes, issues de la nouvelle génération de cinéastes indépendants qui ont choisi de tourner sur la terre même de leurs ancêtres, feront valoir deux de leurs créations récentes intitulées respectivement Melh hada el bahr (le Sel de la mer) et America. Le quotidien difficile des Palestiniens est mis en relief à travers ces deux productions qui soulignent également la légitimité des aspirations des Palestiniens à une vie digne et libre. Le Sel de la mer, de la réalisatrice Anne-Marie Jacir, avec les acteurs Sahir Hammad et Salah Bekri, raconte l'histoire de Thouraya, une jeune fille native de Brooklyn aux Etats-Unis où ses parents durent se rendre après leur expulsion de leur terre d'origine, la Palestine, en 1948. A l'âge de 28 ans, Thouraya décide de retourner vivre à Ramallah en Palestine où elle tente, en vain, de récupérer l'argent de son grand-père, gelé dans un compte bancaire domicilié à Yafa. C'est alors qu'elle rencontre Imad, un jeune Palestinien, qui, contrairement à elle, est décidé à quitter le pays faute d'espoir. Imad et Thouraya se découvrent en tout cas une conviction commune, à savoir que, pour arracher la liberté, il faut prendre un grand risque, quitte à violer la loi. Le plus important pour Thouraya, c'est d'avoir réalisé son rêve, celui de retourner en Palestine. Le second long métrage en compétition, America de Sherine Debs, traite lui aussi de la quête de liberté du peuple palestinien qui a contraint à l'exil de nombreuses familles. L'histoire commence à Ramallah, en Cisjordanie, et a pour héroïne Mana, une jeune femme divorcée, accompagnée de son enfant adolescent, qui obtient la «Green Card's» pour s'installer aux Etats-Unis d'Amérique. Ce film évoque tout le calvaire subi par les exilés, à l'image de Mana qui ne parvient pas à oublier les «check-points» et les autres humiliations subies au quotidien sous le joug du colonisateur israélien. D'autres films palestiniens sont également à l'affiche de ce festival, à l'instar de Ana Ghaza, signé Asma Bassissou, une cinéaste dont l'œuvre est focalisée sur l'oppression coloniale subie par ses concitoyens à Ghaza. Ce film, réalisé juste après la violente agression israélienne sur cette ville, rapporte plusieurs témoignages inédits qui dénotent la gravité de l'impact psychologique sur les habitants de Ghaza, souligne l'APS. En plus d'Oran, les autres wilayas de l'Ouest, elles aussi, ont vécu le festival à travers les ciné-bus destinés aux projections en plein air dans le cadre de cette troisième édition, notamment à Tlemcen et Sidi Bel Abbès. Ces ciné-bus permettront au public de découvrir ou de redécouvrir, en soirée, plusieurs productions cinématographiques arabes «hors compétition» projetées sur écran géant. A Oran-ville, les projections se sont notamment déroulées à la place du 1er Novembre, à Canastel, et au square Port Saïd sur le front de mer, ainsi que dans les communes côtières d'Aïn El Turck et Arzew. Une soixantaine de séances étaient animées chaque soir à partir de 21 heures dans cette ambiance de plein air tant à Oran que dans d'autres wilayas de l'Ouest telles que Sidi Bel Abbès, Tlemcen et Mostaganem. Cette initiative s'est élargie cette année suite au succès de l'année précédente, dont le record battu à Oran, avec 5 000 spectateurs pour une séance via un ciné-bus, selon des médias locaux. Cette année, le cinéma de plein air enregistre une présence aussi importante de cinéphiles à l'occasion de la troisième édition du Festival international du film arabe. Chaque soir, de nombreuses familles, dans une ambiance conviviale, créant ainsi une animation nocturne en cette période estivale, ont pu découvrir ou redécouvrir une série de films, dont De Hollywood à Tamanrasset, Silence on tourne et Alexandrie–New York. Et à mesure que les jours passent, les activités de ce cinéma de «proximité» se multiplient en investissant de plus en plus de communes de la wilaya d'Oran qui demandent l'élargissement du cercle de cette manifestation du cinéma arabe. Le cinéma ambulant est un nouveau style d'animation qui permet au public de redécouvrir les travaux cinématographiques arabes, en dehors de la compétition, d'autant plus qu'ils sont projetés en plein air, loin des salles obscures. Le film le plus attendu par les jeunes lors de ces projections en plein air était sans conteste Visa pour la mort réalisé et produit par Dalal Samir en 2007, qui aborde une histoire tirée du vécu, celle d'un jeune Oranais désespéré, vivant dans la précarité. Le début du voyage commence par Cap Falcon, une plage située dans la commune d'Aïn El Turck, en direction de l'Espagne. La réalisatrice de ce film a saisi l'occasion de présenter des séquences d'images qui accrochent, notamment sur la lutte contre la mort. Un film plein de suspense et autres palpitations, des minutes durant, dans un des hôpitaux qui a accueilli ce naufragé, le jeune Kouider. Cette production se veut une initiative courageuse dans le traitement de ce phénomène nouveau des harraga. Au final, cette édition du Festival international du film arabe d'Oran a su relever de nombreux défis face à la situation précaire du 7ème art dont le plus important est la reconquête d'un public de cinéphiles avides d'événements de ce genre.