La poésie de Bouzid Harzallah(1) est connaissance, expérience et expression totales. Elle engage tout l'être sentant, pensant et agissant ; Ses succès ou ses faillites correspondent à des destins humains complets : « Sensation de fraîcheur Jusqu'à la racine Transformée en caresses Lisses Rafales de nos soucis Epaisseur sémantique Des mots ». La qualité globale du perçu et du signifié commande au langage. Sa nouveauté est caractéristique : il est inventé en fonction de la vie dont il est chargé. Cependant Bouzid Harzallah réagit contre toute vision chaotique du monde : il se recrée une « vision » qui prête à la réalité un sens ou tout au moins une orientation intelligible : « Se raccrocher à une poussière Attendre un geste fragmenté Une amitié poussiéreuse Vain est le souvenir Les signes nous observent Fulgurances nocturnes Partir depuis sa plus tendre enfance Affronter les champs de l'affrontement Asseoir les ressorts du devenir. » Même l'évasion se fait — chez Harzallah — à partir d'un tremplin qui a un nom : réalité. Cela n'empêche pas la tentation esthète de subsister dans la création du poète. L'œuvre de Bouzid Harzallah est singulière. Le poète viole toute convention du langage. Ses strophes ramassées, d'une netteté de pointe sèche, provoquent un effet où la surprise entre pour beaucoup : « Descente au plus profond du songe Eveillé Ici la vie n'est plus musique Mais lèvres et souffle La tension se mue En percée stridente Jusqu'à l'assouvissement Le silence absorbe L'air qui descend des cimes. » Tout se rencontre, se complète et se croise. C'est sur cette « multiplication » intérieure de rapports, ces « liaisons » de formes et de sens que Bouzid Harzallah construit sa poésie. Une poésie dont la sonorité est brève et aiguë comme une déchirure : « Impitoyablement seul Incapable de me taire Incapable de me consoler. » La consolation ? En fait, le poète la possède. Elle est dans « sa méthode créative » aux mille surprises, dérivations, méandres et boucles. Un vrai plaisir pour le lecteur.