L'évocation de l'état des réserves de pétrole et d'hydrocarbures de l'Algérie par un ancien PDG de Sonatrach et par l'actuel ministre de l'Energie et des Mines a pris l'allure d'une polémique non voulue par celui qui avait abordé ce thème, en l'occurrence l'ancien PDG de Sonatrach et ancien ministre des Ressources en eau, Abdelmadjid Attar. Lors d'un entretien avec le quotidien El Khabar au mois de décembre 2007, M. Attar avait indiqué que les réserves prouvées de pétrole de l'Algérie suffisaient pour 18 ans encore en matière d'exportation et de consommation interne. Quelques jours plus tard et lors d'un point de presse à Skikda, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, avait déclaré que l'Algérie dispose d'un potentiel considérable de réserves pétrolières et gazières en affirmant que « nos réserves peuvent s'étaler au-delà de quarante années ». Un site d'information sur internet avait relevé les différences entre les deux déclarations en évoquant une polémique, ce qui a amené M. Attar à faire une mise au point pour reconstituer sa déclaration dans le contexte. « Suite à l'article paru le 13 décembre 2007 dans le quotidien El Khabar (rubrique Foutour Essabah), j'ai répondu à plusieurs questions relatives à des sujets d'actualité dont les réserves pétrolières de l'Algérie. Mes déclarations ont été par la suite reprises par d'autres médias et interprétées de rumeurs, de critiques ou de contradictions vis-à-vis d'autres sources », a indiqué M. Attar « Cette opinion n'était destinée à contredire personne, encore moins à induire en erreur ou faire du tort à quiconque. Je n'ai de leçon à donner à personne. L'objectif était plutôt de faire prendre conscience que les ressources pétrolières de l'Algérie ne sont pas éternelles et qu'il fallait en urgence prévoir leur remplacement par de nouvelles ressources financières (emplois et investissements créateurs de richesses durables) et des ressources énergétiques renouvelables », a expliqué M. Attar. « Quant aux chiffres que j'ai avancés, je persiste et je les confirme, sauf qu'il faut préciser que j'ai avancé 18 ans d'exploitation – à partir des réserves prouvées – au cours desquels l'Algérie pourra encore exporter du pétrole liquide – et je suis optimiste –, étant entendu qu'au-delà on pourra encore produire pour les besoins de la consommation intérieure seulement, bien que je ne sois pas sûr que cela suffira à couvrir les besoins du pays à partir de cette date, à moins que nous fassions de nouvelles découvertes importantes – je le souhaite –, ou que nous soyons prêts à ce moment-là à produire et maîtriser les énergies renouvelables et le nucléaire », a-t-il ajouté. Les statistiques de BP Mais sur quoi se basent les deux pétroliers pour affirmer deux choses en apparence contradictoires. M. Attar se base sur les statistiques publiées annuellement par le groupe pétrolier BP qui attribue à l'Algérie des réserves de pétrole prouvées dont le ratio serait d'environ 16,8 ans sur la base du niveau d'extraction actuel. Ces réserves qui étaient de 8,8 milliards de barils de pétrole en 1986 sont passées à 10,8 milliards de barils en 1996. A la fin de l'année 2006, BP les a estimées à 12,3 milliards de barils. Pour le gaz, le ratio est plus important puisque selon BP l'Algérie dispose de réserves qui lui permettent de produire au taux actuel plus de 50 années. Le ratio calculé par BP est de 53,3 ans. Si M. Attar a raison de déclarer que les réserves de pétrole suffisent pour 18 ans environ, M. Khelil a lui aussi raison de déclarer que l'Algérie dispose d'un potentiel considérable de réserves pétrolières et gazières en affirmant que « nos réserves peuvent s'étaler au-delà de quarante années ». Selon les statistiques de BP, les réserves de gaz étaient de 3220 milliards de mètres cubes en 1986. Elles sont passées à 3660 milliards de mètres cubes en 1996. En 2005, elles ont encore augmenté à 4552 milliards de mètres cubes pour se maintenir encore à ce niveau en 2006. Comme on le voit, les réserves d'hydrocarbures ne sont pas statiques, elles évoluent selon une dynamique marquée par l'effort d'exploration et l'évolution technologique. Les anciens du secteur de l'énergie rappellent souvent une anecdote significative. Au début des années 1970, le responsable en charge du secteur, Belaïd Abdeslam, leur avait déclaré que l'Algérie doit se préparer à l'après-pétrole, car ses réserves seront épuisées en 2000 et elle sera obligée d'importer du pétrole en 2000. Trente ans après, soit durant la même année 2000 ciblée comme marquant la fin du pétrole en Algérie, les réserves de pétrole de l'Algérie étaient supérieures à celles de 1971, malgré les quantités importantes exportées et consommées localement durant 30 ans. Cette reconstitution des réserves a été permise par le grand effort d'exploration grâce au partenariat avec les compagnies internationales et l'introduction des nouvelles technologies. L'évaluation de Sonatrach Selon les données de Sonatrach révélées par l'ancien PDG, le défunt Djamel Eddine Khene, qui s'exprimait en qualité de vice-président amont au mois de février 2003 au cours d'un séminaire sur la géologie pétrolière, les estimations faites dernièrement indiquent que « plus de 40 milliards de barils équivalent pétrole récupérables et 5400 milliards de mètres cubes de gaz peuvent faire l'objet d'exploration au cours des prochaines années ». « La technologie a beaucoup évolué et elle permet de mieux visionner les gisements et de les connaître grâce au satellite et à des logiciels performants », avait-il ajouté. Revenant sur le bilan, il avait estimé que « le défi à relever est important dans la mesure où les 150 milliards de barils équivalent pétrole qui ont été découverts en Algérie depuis l'origine ne représentent qu'une petite fraction (5%) du potentiel d'hydrocarbures généré par les différentes roches mères ». Le pays est encore sous exploré Si la moyenne mondiale donne 100 puits d'exploration pour 10 000 km2, en Algérie cette moyenne est encore de 9 puits pour 10 000 km2. Les réserves de pétrole citées par M. Attar sont celles qui sont prouvées et qui peuvent être exploitées et commercialisées. Les réserves probables et possibles sont encore plus importantes. Si l'Algérie n'est pas le Koweït, elle recèle néanmoins un potentiel important comme l'avait précisé dans ces mêmes colonnes un autre ancien PDG de Sonatrach, devenu Premier ministre, Sid Ahmed Ghozali. Mais ces données ne doivent pas faire oublier le principe de base qui concerne les hydrocarbures. Elles ne sont pas renouvelables. Quelle que soit la durée de vie de ces réserves, 10, 20 ou 50 ans, l'Algérie est tenue d'amoindrir sa dépendance économique vis-à-vis des hydrocarbures qui représentent 98% de ses recettes d'exportation. Comme elle est tenue, pour ne pas être à la traîne, de se préparer dès maintenant à la maîtrise de la technologie des énergies alternatives comme le nucléaire et les énergies renouvelables, comme la technologie du solaire. En matière de solaire, le potentiel qui se trouve en Algérie est unique au monde.C'est là où peuvent intervenir ces hydrocarbures. Leurs recettes peuvent aussi aider à relever les défis à venir pour sécuriser l'approvisionnement énergétique et diversifier l'économie pour ne plus dépendre de ses mêmes hydrocarbures.