La ville des Haraktas, autrefois lieu caractérisé par la quiétude et l'hospitalité, est aujourd'hui atteinte de « gigantisme », une situation qui la prédispose à subir les contrecoups d'un développement de mauvais aloi. Qu'on en juge ! La population de la ville a doublé en moins de trois décennies, et avec elle le taux de chômage. Pour éradiquer les bidonvilles, qui ont ceinturé la cité durant les années 1970, 1980 et 1990, il a fallu construire plus de logements sociaux. Cette opération s'est faite au détriment du foncier, qui s'en est trouvé réduit à sa portion congrue ; présentement, il n'existe pratiquement plus d'assiettes de terrain à même de servir à l'implantation d'infrastructures publiques et étatiques. Autant dire que la dilapidation du foncier a atteint les limites de l'imaginable. En dépit d'attributions de terrains à bâtir et de logements sociaux à tour de bras, la crise bat toujours son plein. Des milliers de dossiers pour l'obtention d'un appartement sont déposés par les postulants au niveau de la daïra. Cette situation a boosté de façon incroyable les prix des terrains à bâtir ou des logements sociolocatifs ; le moindre « espace » coûte les yeux de la tête. Un F2, à titre d'exemple, dépasse la centaine de millions. Pour les habitations disposant d'un acte notarié, les prix proposés sont hors de portée. Avec plus de 200 000 habitants, la ville de Aïn Beïda souffre de nombreuses carences qui, conjuguées, génèrent moult phénomènes. Le chômage, qui frappe de plein fouet la jeunesse, est indéniablement l'un des plus inquiétants, puisqu'il est la source de tous les vices, pour paraphraser le proverbe qui dit : « L'oisiveté est mère de tous les vices ». Exode rural et démographie galopante ont également aggravé la situation, rendant dérisoire tout effort de développement. Ce dont souffre Aïn Beïda, par-dessus tout, c'est du cambriolage, qui ne cesse de prendre de l'ampleur. Il n'est plus possible à une famille de quitter son domicile sans risquer de voir celui-ci mis à sac. Même les chantiers de construction ne sont pas épargnés par cette « faune » de voleurs, qui écument la ville. Cet état de fait a poussé les habitants à consolider toutes les ouvertures de leurs maisons avec des barreaux, quitte à défigurer la bâtisse. Malgré les campagnes visant à moraliser la société, et qui se sont soldées par plusieurs arrestations, les cambrioleurs ne désarment pas.« Tant que les citoyens, témoins de ces abus, ne dénoncent pas les coupables, rien ne changera », nous dira un homme d'âge mûr. En effet, beaucoup de gens ont adopté la philosophie de Djeha, qui consiste à se considérer non concerné, tant que l'incendie est ailleurs. « Tekhti rassi », semblent dire les citoyens. D'autre part, la consommation des « h'rabech », ces comprimés qui procurent une sensation de superpuissance, a conduit nombre de jeunes à verser dans la délinquance, et à commettre délits et crimes. Ce qu'il faut déplorer, par-dessus tout, c'est l'absence de lieux de culture et de manifestations artistiques, à même de soustraire la jeunesse à la farniente et à l'oisiveté. Les cybercafés ne peuvent rapprocher les êtres humains, comme le faisaient, il n'y a pas si longtemps, les cinémas, le théâtre et les bibliothèques. Avec l'ouverture du nouveau centre culturel et la réalisation de deux bibliothèques municipales, Aïn Beïda peut renouer avec la culture et les arts, ce qui atténuera les effets néfastes des maux précités. Enfin, les projets, dont a bénéficié la ville de Aïn Beïda dans le cadre du programme des Hauts-Plateaux, constituent une planche de salut pour les jeunes cadres au chômage, puisque susceptibles de générer des centaines d'emplois. Ainsi en sera-t-il pour l'annexe de l'institut Pasteur, le centre universitaire, la piscine couverte, etc.