Finalement, la ruine calculée à partir de 2002 de la filière tomate industrielle a mis à nu les véritables desseins qui se dissimulaient derrière la multitude de problèmes l'ayant longtemps secouée. Les barons de l'import ont réussi leurs manœuvres visant à casser la production nationale et remplacer la boîte made in Algérie par celle portant le label étranger. Une situation qui a fait voir rouge à l'ensemble des conserveurs nationaux dans la mesure où ils exhortent pour la énième fois les pouvoirs publics à l'effet d'une intervention urgente. C'est un véritable SOS qu'ils ont lancé il y a quelques jours à partir de Annaba pour faire entendre leur voix, car la ruine de la filière pointe à l'horizon et se confirme de la manière la plus radicale. En se réunissant le 22 décembre 2007 au siège de la Chambre de commerce et d'industrie Seybouse Annaba, les conserveurs de la région Est ont décidé de constituer un bureau de cinq membres auquel a été confiée une mission spéciale. Celle-ci consiste à soumettre aux plus hautes autorités du pays un mémorandum dans lequel ils ont arrêté une série de mesures de redressement et de sauvegarde de la filière, non sans avoir dressé au préalable un tableau sombre des retombées d'une telle situation sur le plan économique et social. Sur le plan social, ces retombées risquent de se traduire par la perte de 120 000 postes d'emploi en amont et en aval du cycle d'exploitation (agriculteurs, fabricants et distributeurs d'intrants, fabricants d'emballages métalliques et de cartons, de colle, transporteurs et distributeurs commerciaux des produits finis…). La mise en friche des 27 000 ha affectés à la tomate fraîche ne pourrait également être évitée si des mesures adaptées n'étaient pas trouvées. Sur le plan économique, le Trésor public risque de perdre de conséquentes ressources fiscales notamment pour les communes d'implantation. En effet, sur près de 6 milliards de dinars que brasse annuellement la filière, le Trésor public soutire plus de 1 milliard de dinars entre TVA, TAP, IBS et IRG. En termes de devises pouvant être économisées, l'enjeu est de taille. Il s'agit de 80 millions de dollars, le substitut national aux importations du concentré de tomate (tous prix confondus). A ce propos, les conserveurs sont formels : la perspective du recours à très court terme à l'importation intégrale des besoins nationaux n'est plus à écarter. Une production actuelle de moins 20 000 t ne saurait suffire pour répondre aux besoins de consommation estimés à plus de 70 000 t. Pour combler le déficit, le recours au marché extérieur s'avère encore une fois incontournable. Le marché le plus souvent sollicité reste sans conteste celui de notre voisin de l'Est. Avec une production de plus de 160 000 t/an et une consommation d'à peine 20 000 t, la Tunisie est un grand exportateur de tomate. Avec la rude concurrence que connaît le marché international, les producteurs tunisiens sont partis à la conquête d'autres marchés. Mais ils restent fidèles à celui plus porteur, proche et moins coûteux qui n'est autre que le marché algérien. Pourtant, quelques années auparavant, les besoins nationaux étaient satisfaits à hauteur de 80%. L'année 2002 en était le parfait exemple. Pendant cette période, la production nationale oscillait entre 50 000 et 60 000 t avec 2 milliards de dinars pour les exploitants agricoles et le triple pour les usines de transformation. La déperdition de la filière a commencé à se faire sentir à partir de 2003. En effet, jusqu'à 2005, les 17 usines de transformation implantées à travers le pays n'arrivaient pas à dépasser le seuil des 25 000 t, alors que leurs capacités installées de transformation cumulées dépassent les 160 000 t. Aujourd'hui, sur ces 17 usines implantées pour la plupart à l'Est avec une part de 80% de la production nationale, moins d'une dizaine sont encore en activité. Les 11 usines du Centre n'ont pas été épargnées. Elles se débattent elles aussi dans moult difficultés. Les mesures incitatives prises par l'Etat pour aider agriculteurs et transformateurs ne semblent malheureusement pas être d'un quelconque apport à même de sauver la filière. Cela étant, « bien qu'il y ait eu une prise de conscience de la part des pouvoirs publics, elle est un peu tardive », selon les propos de Kamel Djabri, membre de la chambre d'agriculture de Annaba. Il ajoutera : « Le soutien de l'Etat à l'agriculteur de 1,5 DA/kg et 1 DA/kg accordé au transformateur et un prix minimum garanti à la livraison de la tomate fraîche fixé à 4,5 DA/kg n'ont pas porté leurs fruits. » Selon cet ingénieur en aménagement rural, rares sont les agriculteurs qui ont pu bénéficier des 16 000 DA/ha. Cette somme est accordée par l'Etat au titre d'aide si l'itinéraire technique est rigoureusement suivi pour la culture de la tomate en hybride. Pour celle fixée, cette aide est de l'ordre de 11 000 DA à l'hectare.