Les électeurs serbes ont voté dimanche ; mais en fin de compte, ils n'ont pas tranché avec presque autant de voix pour les pro-européens que pour ceux qu'on qualifie de nationalistes, et même d'ultranationalistes. Les premiers revendiquent la victoire, mais les seconds ne croient pas avoir été désavoués, ou tout simplement vaincus. Statistiquement, et selon des projections, la coalition pro-européenne disposera de 103 sièges dans le nouveau parlement, sur un total de 250. Les ultranationalistes du SRS en obtiendront 77. Le SRS devrait pouvoir compter sur le soutien du Parti démocratique de Serbie (DSS) du Premier ministre sortant, Vojislav Kostunica, fermement opposé à l'indépendance du Kosovo, proclamée le 17 février, et, contre tout marchandage, avec l'UE sur cette question. Avec 11% des voix, le DSS, allié à la petite formation populiste Nouvelle Serbie (NS), devrait obtenir 30 sièges. Pro-européens et nationalistes seront donc presque à égalité au parlement : 103 sièges pour les premiers, 107 pour les seconds. Il reste qu'en nombre de voix et par parti, les Serbes ont choisi l'intégration à l'Europe des 27 en donnant la victoire aux pro-européens du président Boris Tadic aux législatives, mais les ultranationalistes ont mis les vainqueurs au défi de pouvoir gouverner. Les pro-européens, autour du Parti démocratique (DS) du président Boris Tadic, ont obtenu près de 37% des voix contre 28% au Parti radical serbe (SRS, ultranationaliste) de Tomislav Nikolic, selon la commission électorale. « Le DS jouera un rôle-clé dans le futur gouvernement serbe », a assuré M. Tadic, en annonçant la victoire de son camp, pour admettre dans la foulée que les négociations en vue de former le nouveau gouvernement seraient « difficiles ». « Victoire historique de la Serbie européenne », a titré, néanmoins, le quotidien Danas. « Triomphe de Tadic », a renchéri le tabloïd Press. La veille, les pro-européens avaient bruyamment fêté leur victoire dans les rues de Belgrade avec feux d'artifices et concerts de klaxons. Mais l'ultranationaliste Nikolic a douché cet enthousiasme, mettant les pro-européens au défi de pouvoir prendre les rênes du pouvoir. « Il existe une possible coalition sans le DS », a-t-il dit en appelant le président à « calmer ses émotions ». L'amertume que de nombreux Serbes ont ressenti après l'indépendance du Kosovo, proclamée le 17 février, semblait devoir profiter aux ultranationalistes. Mais, alors que ces élections étaient considérées comme les plus importantes depuis la chute, il y a huit ans, du régime autoritaire de Slobodan Milosevic, les Serbes ont exprimé leur volonté de maintenir le cap pro-occidental adopté alors, vraisemblablement attirés par les bénéfices que leur pays tirerait d'une adhésion à l'UE. Paradoxalement, le Parti socialiste (SPS) du défunt Milosevic qui, avec 8% des voix, obtiendrait 20 sièges, est désormais en position d'arbitre. « Nous soutenons l'intégration de la Serbie à l'UE, mais avec de nouvelles discussions sur le Kosovo », a récemment déclaré le chef du SPS, Ivica Dacic, laissant ainsi entendre qu'une alliance avec les pro-européens n'était pas impossible. Le jeu politique change alors considérablement, avec un net avantage pour ceux qui clament leur victoire. Une page de l'histoire sera tournée alors.