Les constructions individuelles, ou ce qu'on appelle l'autoconstruction, ne sont pas soumises au contrôle de conformité aux normes parasismiques. Mohamed Belazougui, directeur du Centre national de recherche en génie parasismique (CGS), l'affirme et sonne le tocsin : « L'autoconstruction pose un sérieux problème de suivi. Les constructions individuelles suscitent des doutes sur leur conformité aux normes parasismiques. » Participant à une conférence-débat sur les risques sismiques tenue hier au forum d'El Moudjahid, M. Belazougui précise que rares sont les individus qui font appel à des bureaux d'études pour établir un plan de construction conforme à la nature du sol. Selon lui, les particuliers font souvent appel à des maçons qui n'ont aucune connaissance en la matière et qui élèvent ainsi des bâtisses sans respecter la moindre norme de construction. « Même la qualité des matériaux et des travaux est douteuse », ajoute-t-il, appelant les citoyens à prendre conscience et à ne pas mettre leur vie en danger pour faire des économies de bout de chandelles. Le plus inquiétant à ses yeux c'est le fait que les constructions individuelles constituent la part la plus importante du bâti. « Les constructions collectives sont soumises au contrôle de conformité. Mais celles-ci ne représentent que 40% du bâti », relève-t-il. Prévenir Le professeur Chaouch Yelès, directeur du CRAAG, a de son côté indiqué que le risque sismique est permanent tant l'activité sismique est quotidienne. « Chaque secousse est un avertissement », lâche-t-il, appelant toute la société à agir pour prévenir le risque sismique. Insistant sur le rôle de la communication dans le travail de la prévention, M. Yelès souhaite l'élargissement au maximum du front de sensibilisation des citoyens et de la vulgarisation et la généralisation de la construction parasismique. « Il faut arrêter les maçons du dimanche qui viennent bâtir sans avoir le fil à plomb dans leur poche », clame-t-il, invitant les élus à être rigoureux en matière d'application de la réglementation en la matière. « On voit des gens construire sur des terrains dont la qualité du sol est mauvaise, sur des falaises, sur du remblai », dénonce-t-il, ajoutant que « construire de grands projets est une bonne chose, mais il faut que cela corresponde à la nature du sol ». M. Yelès évoque également le problème de l'entretien du bâti. « On voit aujourd'hui des caves inondées et non nettoyées. Un immeuble devient fragile à partir de 50 ans. Sans entretien, il ne va pas tenir face à un séisme », prévient-il. Pour sa part, le professeur Chelghoum Abdelkrim, expert en génie parasismique, insiste sur l'importance de la construction parasismique. « Elle atténue les effets sismiques et réduit les pertes en vies humaines. Elle évite l'effondrement de l'ouvrage », souligne-t-il. M. Chelghoum revient dans le sillage sur la nécessite de l'étude et de l'analyse poussée du sol avant d'entamer les travaux. « Cela constitue la plus grande défaillance », constate-t-il, affirmant que l'absence d'étude approfondie du sol aggrave le risque sismique. Situer les responsabilités Il rappelle dans ce contexte les défaillances constatées dans les constructions effondrées lors du séisme du 21 mai 2003 à Boumerdès, dont la plupart ont été construites sans l'étude du sol. Ramdane Dichou, directeur technique au CTC du Centre, soulève le problème de responsabilité dans le contrôle de la construction. Selon lui, ce problème se pose aujourd'hui du fait qu'il existe plusieurs CTC et que la zone d'intervention de chacun n'est pas définie. Cela fait que l'on ne sait pas qui contrôle quoi. Abdelhamid Boudaoud, du collège des architectes, parle quant à lui de l'inapplication de la réglementation en vigueur. « L'Etat a fait un travail immense. Ce qui manque, c'est bien l'application de cet arsenal juridique », indique-t-il, soulevant lui aussi le déficit en communication. Il plaide ainsi pour l'application d'un code national de la construction et d'un code national du bâtiment. Hadj Hamou Benzeguir, président du Croissant-Rouge algérien, énumère les différentes opérations de sensibilisation quant aux risques sismiques menées par ses services en direction des citoyens. « Nous avons un guide de l'enseignant sur l'activité sismique, un CD et des affiches que nous mettons dans des classes situées dans des zones vulnérables », avance-t-il, relevant l'importance d'inculquer aux citoyens la culture parasismique.