Le relais de la contestation dans le secteur de l'éducation nationale est passé rapidement entre les mains des lycéens faisant presque oublier la grogne des enseignants qui avait paralysé la semaine dernière pendant deux jours les établissements scolaires. Pour d'autres motivations mais avec la même finalité : pour un enseignement de qualité, les lycéens occupent, à leur tour, la rue pour protester contre la surcharge des programmes d'enseignement. De réforme en réforme des programmes, les élèves n'en finissent pas de boire le calice jusqu'à la lie et d'en payer un prix fort comme en témoignent les résultats aux différents examens qui ont atteint depuis longtemps déjà la cote d'alerte sans que personne ne s'en inquiète. « Nous ne sommes pas tous des cancres » : c'est caricaturé, le message qu'ont tenu à faire passer les lycéens en grève qui s'invitent pour la première fois dans le débat dont ils sont injustement et anormalement exclus. Depuis la démonstration de force des années 1970 qui est entrée dans l'histoire du mouvement scolaire compte tenu des conditions politiques de l'époque on n'a pas vu un mouvement de lycéens qui a bousculé par sa maturité ainsi que par le niveau de conscience pédagogique et de responsabilité élevée de ses organisateurs toutes les idées reçues sur notre jeunesse accablée de tous les mots, jugée indigne du combat et des sacrifices de leurs aînés. Le militantisme dans ce qu'il a de plus sain et que l'on disait mort dans notre pays avec la contestation sociale, l'opposition politique, l'exercice des contre-pouvoirs qui ont déserté peu à peu le champ des luttes sociales et politiques resurgit de là où on l'attendait le moins : de nos établissements scolaires. Le caractère pacifique imprimé à ce mouvement, le contenu strictement pédagogique des revendications des lycées axées sur la surcharge des programmes scolaires qui frise le bourrage de crânes, refusant toute instrumentalisation politique, ont conféré à la grève des lycéens une légitimité à laquelle les pouvoirs publics ne pourraient rester sourds ou répondre par la force et l'intimidation. L'engagement du ministre de l'Education, M. Benbouzid, dans un geste d'apaisement, d'élaborer les sujets des examens du baccalauréat de cette année sur la base des cours dispensés n'est certainement pas la réponse la plus appropriée dans l'intérêt de l'élève et de l'école algérienne. Car cela signifie, compte tenu des retards accumulés dans l'état d'avancement des programmes scolaires, que l'on cautionne, en haut lieu, un baccalauréat au rabais. La copie doit être revue et corrigée en amont. Il faut associer les premiers concernés : les lycéens ou leurs représentants au débat sur la refonte des programmes scolaires qui s'est faite jusqu'ici sans eux, dans des laboratoires où l'on a essayé, sans succès, de concilier école moderne ouverte sur la science, la technologie et conservatisme et repli identitaire. Ce débat est désormais dans la rue. Il est impératif qu'il retrouve rapidement sa place naturelle : les structures de l'éducation nationale qui doivent nouer le dialogue avec les représentants des lycéens pour aboutir à une réforme de l'école acceptée et acceptable pour tous : élèves, enseignants, parents d'élèves, pouvoirs publics.