Les termes les plus forts ont été utilisés aussi bien par l'ancien secrétaire général des Nations unies que par le président de l'UA (Union africaine), le premier étant chargé au Kenya d'une mission de médiation par l'instance africaine. On parle effectivement et sans crainte, de génocide et de violations massives des droits de l'homme dans ce qui était pourtant un havre de paix et un modèle de stabilité. Mais il se trouve que ce pays de la côte Est africaine est rongé, lui aussi, par ses vieux démons, et la menace de divisions puisque, et au-delà de la bataille politique, ce sont les principales ethnies du pays qui s'affrontent. Et cela peut mener bien loin, et en ce sens, le président de l'UA n'a pas manqué de rappeler ce qui est arrivé au Rwanda. Le Kenya traverse une crise majeure née de la contestation des résultats officiels de l'élection présidentielle. Le chef de l'Etat sortant Mwai Kibaki a été réélu, mais M. Odinga revendique la victoire, affirmant que la compilation des résultats a été entachée de fraudes. Quelle sortie de crise alors ? Hier, des barricades ont été érigées à Naivasha (90 km au nord-ouest de Nairobi), une des villes de la province de la Vallée du Rift affectées par les violences post-électorales au Kenya. « Nous tentons de restaurer la loi et l'ordre dans les villes. La situation est tendue pour le moment », a déclaré un responsable de la police, mentionnant des accrochages entre manifestants et forces de l'ordre, notamment à Naivasha et Nakuru. La quasi-totalité des commerces de la ville était fermée et la police patrouillait dans les rues du centre-ville après avoir dégagé des barricades installées par de petits groupes de protestataires. Selon des habitants, des maisons ont été incendiées pendant la nuit dans des bidonvilles de la ville. ingt-trois personnes ont été tuées dimanche à Naivasha, neuf dans des affrontements entre groupes de jeunes et 14 brûlées vives dans leur maison. A Nakuru, capitale de la province de la Vallée du Rift qui a été la plus touchée la semaine dernière par les violences, la situation était calme hier matin et la circulation avait repris sur les principaux axes routiers. Quarante morts ont été dénombrés par la police dimanche, tous dans la Vallée du Rift où se concentrent désormais les troubles, ce qui porte à 130 le nombre de personnes tuées dans cette province depuis jeudi soir. A Kisumu (ouest), fief électoral de l'opposant Raila Odinga, la police a tiré en l'air pour disperser des manifestants qui avaient incendié plusieurs commerces et érigé des barricades, a-t-on appris auprès de témoins. Des centaines d'habitants se réfugiaient au commissariat central de la ville. Le Kenya, un des pays d'Afrique les plus stables jusqu'à la fin de l'année dernière, traverse une crise majeure née de la contestation des résultats officiels de l'élection présidentielle du 27 décembre. En un mois, plus de 900 personnes ont été tuées dans les violences post-électorales et environ 250 000 autres ont été déplacées. Raila Odinga a condamné « dans les termes les plus forts ces actes monstrueux et mauvais ». « Ce qui émerge maintenant est que des gangs criminels, (...) travaillant sous la protection de la police, font partie d'un plan de terreur bien organisé », a-t-il affirmé une nouvelle fois. Sur le plan diplomatique, l'ex-secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, désigné médiateur de l'Union africaine (UA) dans la crise, s'est entretenu samedi à Nairobi une nouvelle fois avec M. Odinga et l'état-major de son Mouvement démocratique orange (ODM). « Nous pensons que des progrès sont imminents et nous sommes complètement engagés dans ce processus », a déclaré à la sortie de la réunion un des principaux responsables de l'ODM, Musalia Mudavadi. « On parle de génocide » Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, s'est dit « inquiet », dimanche, à Addis Abeba, de la situation au Kenya, et a appelé à une « solution politique ». « Nous avons reçu le message de notre envoyé spécial, Kofi Annan, qui fait état de graves et systématiques violations des droits de l'homme. Nous sommes interpellés et inquiets de cette situation », a déclaré M. Konaré. « On parle de génocide... à quoi aura servi le Rwanda ? », où un génocide en 1994 a fait, selon l'ONU, environ 800 000 morts, s'est interrogé le plus haut responsable de l'UA. Il s'adressait aux ministres des Affaires étrangères africains réunis pour l'ouverture du Conseil exécutif de l'UA, qui précède le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'organisation panafricaine qui se tiendra du 31 janvier au 2 février à Addis Abeba. « Nous devons être là pour accompagner les Kényans afin qu'ils trouvent rapidement une solution politique », a-t-il estimé. Mais pour lui, cette solution politique « ne peut pas être seulement un partage du pouvoir : si le processus démocratique doit être seulement le partage d'un gâteau, nous n'aurons jamais la paix parce qu'il y aura toujours des mécontents ». Il est nécessaire, selon M. Konaré, de « réaffirmer les principes de bonne gouvernance et de non indifférence, de lutter contre les violences. Nous ne pouvons pas fermer les yeux et (se boucher) les oreilles ». Un conflit de plus pour l'Afrique. C'est surtout un conflit de trop pour un continent qui entend tourner cette page et aussi celle des interventions extérieures pour se consacrer au développement.