Ils veulent déclencher la guerre civile. Encore une fois. » Le vieux chauffeur de taxi se dit fatigué d'avoir vécu le conflit inter-libanais de 1975 à 1990. Il ne veut plus revivre cela. Il remercie Dieu que la pluie matinale ait « calmé » les esprits. Beyrouth : De notre envoyé spécial Arrivé à Chiyah dans la banlieue sud de Beyrouth, dans cette rue appelée la « vieille route de Saïda », le taxi montre les traces de pneus brûlés, des pierres jonchant la chaussée. Des unités de l'armée sont stationnées pas loin. C'est ici que dimanche soir, de violents affrontements ont eut lieu entre manifestants et soldats, faisant 9 morts dont des membres des partis chiites Amal et Hezbollah. Ici, c'est un endroit historique. Traumatisant pour les Libanais. Cette rue est la frontière entre le quartier chiite de Chiyah et celui chrétien de Aïn Rémaneh. Là où, en 1975, la guerre civile a éclaté. Escalade Tout a commencé dimanche en fin d'après-midi lorsque des jeunes ont coupé la route au niveau de ce point sensible de Beyrouth, cette ancienne ligne de démarcation. Ce devait être une énième manifestation contre les trop fréquentes coupures d'électricité. L'Electricité du Liban (EDL) a publié un communiqué assurant que le motif invoqué pour déclencher le mouvement de protestation, une coupure prolongée du courant, était infondé. La route est coupée. Des pneus brûlent. L'armée tente de contenir la colère. Mais voilà que des tirs de feu partent. Un responsable local de Amal, Ahmed Hocine Hamza, qui tentait de faire la médiation entre l'armée et les manifestants est mortellement touché à la tête. La situation dérape. Qui a tiré ? Un soldat qui a paniqué ? Un sniper du côté de Aïn Rémaneh, comme le rapporte des témoins ? « Tout le risque est là : faire croire qu'un sniper chrétien a tué un chiite. Quelqu'un veut rallumer le feu de la guerre civile », commente un journaliste libanais. De son côté, le Hezbollah a demandé à l'armée de préciser la responsabilité des tirs. En tous cas, le feu a failli prendre. Dans d'autres régions de la banlieue de la capitale, dans le nord du Liban, à l'ouest vers Baâlabek et au sud dans la ville de Tyr, des jeunes ont coupé des routes et brûlé des pneus alors qu'à Chiyah, les rafales d'armes automatiques ont redoublé de férocité. Vers 21 h, une grenade est lancée dans une rue du quartier de Aïn Rémaneh, blessant 7 personnes. « Des jeunes qui viennent d'un quartier chiite pour lancer une grenade dans un quartier chrétien, c'est même grossier comme tentative de rallumer le feu », lâche un habitant de Beyrouth-Ouest, qui vient de recevoir sur son portable l'annonce de son opérateur : « Protestations, vide politique, situation sécuritaire délicate : abonnez-vous au service SMS informations. » Echec au Caire Le calme n'est revenu que peu après minuit. Huit morts, dont le responsable de Amal et trois membres du Hezbollah. Le chef du gouvernement déclare lundi jour de deuil. Beyrouth s'est réveillé dans la pluie et dans un calme précaire. Précaire et inquiet. Car la réunion ministérielle de la Ligue arabe au Caire la nuit-même, consacrée à l'étude de la situation de blocage au Liban, s'est achevée sur un semblant d'échec. L'on y a conforté l'initiative arabe en demandant l'élection urgente d'un président le 11 février. Pas plus. Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue, a prévenu contre les risques du vide politique libanais en identifiant deux dangers : l'escalade de la violence et la multiplication des interventions étrangères au Liban. Un avertissement que les Libanais vivent tous les jours. La peur aujourd'hui à Beyrouth a un nom : Représailles. « Les proches de victimes des affrontements de dimanche soir voudront certainement les venger », avance un journaliste.