Avec ce énième vol d'une centaine de pièces archéologiques à Djanet commis par des touristes allemands, le problème de législation, qui existe à travers la loi 98-04, se pose avec acuité. Ces dernières années, une catégorie de touristes européens, se faisant passer pour des collectionneurs s'est adonnée au pillage des pans entiers de notre patrimoine archéologique. Au début des années 1980, trois Espagnols ont ramassé plus de 8000 pièces entre le Tassili et le Hoggar pour les reverser au niveau des musées de leur ville. A l'époque, le département de la culture, dirigé par Aboubakr Belkaïd, avait diligenté une enquête pour récupérer les objets « empruntés »... mais sans succès. En octobre 1993, une grande prise a été effectuée au port de Annaba. Un passager transportait dans ses bagages 400 pièces archéologiques d'une valeur inestimable. Il avait l'intention de les vendre à un prix fort. Ce coopérant en soudure avait subtilisé ces pièces à Tamanrasset et pensait accomplir son activité sans éveiller le moindre soupçon, si ce n'est la vigilance des agents des douanes. Selon une estimation, certaines pièces provenant de l'Ahaggar pourraient atteindre les 5000 euros l'unité dans les marchés de l'art européen. Mieux encore, en janvier dernier, à Annaba, plusieurs dizaines de pièces, mosaïques, poteries, bijoux, statuettes de différentes déesses et monarques numides, puniques et romains ont disparu. Au cours de la même année, à Guelma plus exactement, est commis le pillage de huit fresques, œuvres d'un certain Jarra, qui tapissaient autrefois les murs de l'hôtel d'Orient. En 1996, neuf têtes ont été volées du Théâtre romain de Guelma. En 2002, le trésor de M'Daourouch (Souk Ahras), composé de 50 000 pièces de monnaie romaine, a fait l'objet d'un vol. La direction régionale des douanes de Tamanrasset a lancé depuis trois ans le projet de création d'une brigade spécialisée dans la protection du patrimoine culturel et archéologique du Sud. Cette initiative est née après le constat alarmant fait durant l'année 2001, durant laquelle un grand nombre de saisies d'objets provenant du Sahara a été enregistré. Les experts de l'Office du parc national de l'Ahaggar (OPNA) ont pour mission d'assister les douaniers dans l'identification des sites et des objets protégés. « Un trafic courant » Depuis trois ans, l'on enregistre un retour progressif de l'activité touristique dans le Grand Sud. Plusieurs agences de voyages étrangères proposent des séjours dans le Sud algérien, à la seule condition de respecter le circuit arrêté par l'Etat algérien. L'accès à certaines régions n'est plus autorisé. Plus de 30 affaires de vol et de trafic d'objets patrimoniaux et œuvres d'art concernant quelque 180 pièces ont été traitées depuis 1996 par les services de la police judiciaire. 45 personnes ont été arrêtées dont des étrangers. Lors de tentatives d'exportation vers l'Europe, à Tlemcen et à Oran, 1560 pièces de monnaie et 21 médailles provenant de fouilles clandestines ont été réccupérées. Face au dernier pillage commis par les ressortissants allemands, des voix se sont élevées pour dénoncer ces actes. L'anthropologue Slimane Hachi dénonce ces pratiques qui relèvent du pillage. « La loi nationale comme les autres traités protègent le patrimoine archéologique. Ces personnes se sont mises en infraction par rapport à ces textes. La législation est appliquée à chaque fois que des pilleurs sont pris la main dans le sac. Il sont traduits devant des tribunaux. La loi 98-04 est claire. Elle porte sur la protection du patrimoine archéologique et culturel », dit-il. Nourreddine Saoudi, géologue de formation, se demande, pour sa part, comment il se fait que les touristes allemands aient pu franchir cette région pour commettre leur vol, alors que le circuit en question ne fait pas partie du circuit des sites archéologiques à visiter. « C'est un trafic très courant, ces vols de vestiges. Il y a un fossé entre la législation et sa mise en œuvre. Il y a toujours eu un pillage organisé. On ne balisait pas. Je ne veux incriminer personne, mais je pense que les agences de voyages ont une lourde responsabilité dans ces vols », martèle-t-il. Actuellement, il existe, dans ce domaine, de grands contentieux entre l'Algérie et certains pays européens, mais demeurent toujours en suspens. Ils sont liés à des détournements de biens culturels nationaux. Bien entendu, les objets du Sahara sont les plus importants.