Le colloque international sur l'historien Mohamed Harbi intitulé « Un historien à contre-courant » a été ouvert hier à l'hôtel Royal en présence du concerné, d'une bonne partie des participants et d'une assistance très nombreuse, à tel point que la salle s'est avérée exiguë. Le Président d'Avempace Institution, instance organisatrice, Houari Touti a notamment tenté de situer la place de Harbi dans l'historiographie française dans laquelle il s'est imposé, mais aussi dans le champ de la production intellectuelle algérienne. L'auteur algérien a émergé dans une période marquée en France par l'inexistence, malgré un foisonnement d'écrits, d'un discours officiel sur la guerre et, en Algérie, par le discours d'un FLN vainqueur politique (l'intervenant cautionne l'idée que la victoire n'était pas militaire mais politique) qui a prôné une histoire singulière qui ne rend pas compte, tout en délaissant les outils d'analyse, de la complexité des rapports entre les acteurs durant cette période. Selon lui, « Harbi a fait œuvre de démythologisation par rapport au ''sacré'' qui entourait la Révolution telle que racontée après l'indépendance ». Mais il défendra également l'idée selon laquelle l'œuvre de Harbi qui se distingue déjà de celle d'Yves Courrière (assimilée au récit journalistique qui dresse des portraits vivants et se soucie de recréer des atmosphères) n'est pas « solitaire » dans la mesure où d'autres historiens algériens se sont penchés sur la question en citant, entre autres, Mahfoud Keddache qui a traité du nationalisme plébéien, ou Taleb Bendiab qui s'est intéressé au rôle joué par le Parti communiste algérien. De l'université d'Alger, Menouar Merrouche a fait un très long détour par Taha Hossein et quelques autres partisans de la pensée rationnelle (inspirée de la poésie d'Abou El Ala'a El Maâri) qu'a connus le monde arabe avant de revenir au cas de son ami Harbi qui, dit-il, a été l'un des premiers à appeler à reconsidérer le rôle de Messali Hadj, à la reconnaissance de la langue et de la culture berbères et à impulser une véritable réflexion sur la formation de la nation algérienne et sur les fondements d'une communauté politique moderne. Dans les exemples foisonnants qu'il a donnés, M. Merrouche qui devait intervenir sur le problème de « la dualité entre faire et écrire l'histoire », s'est beaucoup soucié de la nécessité d'une certaine laïcité qu'il n'a pas nommée en tant que telle mais qui ressort dans les citations paraphrasées à des auteurs parfois croyants et pratiquants. Mais le parallèle fait ici n'est peut-être pas pertinent dans la mesure où les efforts de certains penseurs pour réformer l'Islam, « bloqué par le verrouillage de la charia », selon l'intervenant, une expression empruntée, ne cadrent pas avec la rationalité dont il est question chez Harbi et qui a trait à l'écriture de l'histoire. La séance matinale a été clôturée par Gilbert Meynier connu pour sa thèse intitulée « L'Algérie révélée » et qui s'est intéressé à ce qui est qualifié ici de « la période prénationale, c'est-à-dire entre 1900 et 1914 ». La diversité (sociale, culturelle, individuelle) considérée comme une richesse existante au sein du FLN et la complexité du mouvement de libération ont été les axes développés. Il a également restitué les aspects internationalistes qui caractérisent certains acteurs de la guerre d'indépendance et qui ont constitué un élément fondamental du capital sympathie dont a bénéficié la Révolution algérienne dans le monde.