Un colloque international à Oran sur Mohamed Harbi et son œuvre, intitulé “Mohamed Harbi : un historien à contre- courant”, est incontestablement un hommage pour cet homme qui, jusqu'en 1990, voyait ses ouvrages frappés d'interdiction dans son propre pays. Hier, et par rapport à la tenue de ce colloque, organisé par l'association Avempace Institution, l'homme se refuse de parler de “revanche” sur l'histoire : “Je n'ai pas de revanche à prendre”, nous dira-t-il. D'avoir été acteur en son temps dans le mouvement national, militant actif au sein du PPA, assurant par la suite des responsabilités dans le FLN historique, confère à l'historien une position particulière comme l'ont fait remarquer les intervenants de ce colloque. D'ailleurs, l'historien Gilbert Meynier qui, pour rendre “hommage à Harbi et au peuple algérien”, tiendra à discourir en arabe, il estimera que Mohamed Harbi a été de ceux qui ont, dans ses ouvrages et son travail sur le FLN, amené à une “désacralisation du FLN”, décomplexant de ce fait des historiens français pour étudier le mouvement national algérien. Tout en estimant plus loin que le travail de l'historien lui incombe de rendre compte de toute la richesse et de la diversité de l'historique. Pour l'autre intervenant de cette première journée, à savoir Menaouar Merrouche de l'université d'Alger, dans sa communication “Militantisme et histoire : le parcours de Mohamed Harbi”. Ce dernier a su allier la pratique militante éclairée par la connaissance scientifique et de poursuivre : “Les prises de position politique critiques lui ont valu d'être la cible d'attaque, mais qui proviennent de personnes qui sont ou ont été liées au pouvoir”. Réagissant à certaines critiques, Mohamed Harbi évoquera son travail de restitution des acteurs historiques du mouvement national, ceux qui ont été oubliés ou occultés par l'histoire officielle. Et d'évoquer Mohamed Boudiaf qui, parce qu'il était de caractère têtu et caractériel, fut celui qui imposa le déclenchement de la Révolution à la date que l'on connaît aujourd'hui. “Ça ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas eu d'insurrection, mais à cet instant, c'est par son insistance que cela s'est passé.” Revenant sur la question du travail de tout historien à partir certes des témoignages, mais surtout d'archives, Mohamed Harbi regrette qu'une partie des archives qui sont en Algérie ne soit toujours pas accessible aux chercheurs et aux historiens et de considérer que “l'histoire est un combat de gladiateurs en Algérie. Nous ne savons même pas si elles sont classées”. Et de souhaiter que soient disponibles les archives de wilaya afin “de permettre le travail sur le combat à l'intérieur”. Interrogé sur la transformation des mouvements de libération nationale qui, au lendemain de l'Indépendance, se sont transformés en régime autoritaire, Mohamed Harbi répliquera : “Dans les pays du Tiers-Monde, les mouvements nationaux ne se posaient pas la question du passage à la souveraineté pour les citoyens, c'est la souveraineté de l'Etat qui importait”. Aujourd'hui, au cours de ce colloque, d'autres historiens et auteurs de renom sont attendus comme Benjamin Stora, Fatma Oussedik et Mohamed Harbi qui doit également intervenir sur le thème : “La Révolution algérienne entre histoire, mémoire et citoyenneté”. F. BOumediene