La colère s'amplifie en Serbie, mais le recours à la force a été vivement dénoncé, hier, par le Premier ministre serbe, Vojislav Kostunica, estimant qu'elle « nuit directement » aux efforts de la Serbie pour s'opposer à l'indépendance du Kosovo. Est-ce là une réponse aux pressions des capitales européennes qui n'ont visiblement pas renoncé à leur offre d'une adhésion à l'UE (Union européenne, contre le Kosovo ? Belgrade considère les Occidentaux, les Etats-Unis et l'UE en tête comme les instigateurs de l'indépendance kosovare, proclamée dimanche dernier. Les émeutes sont intervenues après un rassemblement monstre de plus de 150 000 personnes contre l'indépendance, ponctué de discours enflammés. « Le peuple nous demande de donner notre parole : tant que nous sommes en vie, le Kosovo est la Serbie », a déclaré Vojislav Kostunica. « Les ultranationalistes sont derrière les violences », a accusé le chef du Parti libéral démocrate, Cedomir Jovanovic, pratiquement le seul homme politique serbe favorable à l'indépendance du Kosovo. Pour le moins, M. Kostunica, qui a déjà rejeté ce deal, est précis dans ses propos. Le diplomate en chef de l'Union européenne (UE), Javier Solana, a averti, hier, que les négociations sur un accord d'association entre la Serbie et l'UE ne pourraient reprendre dans un climat de violence. Cette mise en garde risque de mettre en difficulté le président serbe, Boris Tadic, qui, malgré son opposition à l'indépendance du Kosovo, est resté favorable à l'intégration de son pays à l'UE. Absent du grand rassemblement de jeudi, M. Tadic avait rapidement appelé au calme à son retour d'une visite en Roumanie, un des pays de l'UE qui refuse de reconnaître le nouvel Etat kosovar. L'Allemagne a elle aussi prévenu, hier, la Serbie des « conséquences inévitables » qu'aurait, sur ses relations avec l'Union européenne, le renouvellement des attaques de manifestants hostiles à l'indépendance du Kosovo contre plusieurs ambassades, dont celle d'Allemagne, à Belgrade. Vive tension Ce concert de déclarations est toutefois perturbé, sinon troublé par le représentant de la Russie à l'Otan, Dmitri Rogozine, qui a estimé, hier, que la Russie pourrait « utiliser la force » si l'Otan ou l'Union européenne « défient » l'ONU sur le Kosovo. Qu'est-ce que cela veut dire très exactement ? Aucune précision. « Si aujourd'hui, l'Union européenne adopte une position unie ou l'Otan dépasse son mandat au Kosovo, ces organisations vont défier l'ONU et nous allons alors nous aussi partir du fait que nous devons utiliser une force brutale qu'on appelle une force armée, pour qu'on nous respecte », a affirmé M. Rogozine. La Russie, rappelle-t-on, tout autant que la Serbie ont déclaré que la nouvelle mission de l'UE au Kosovo était illégale. En ce qui concerne ces violences, la Russie les « regrette » tout en renvoyant la responsabilité aux pays qui ont reconnu « unilatéralement » l'indépendance du Kosovo, a déclaré, hier, le porte-parole de la diplomatie russe, Mikhaïl Kamynine. Le débat en est là. Il a même débordé les bureaux et autres chancelleries pour devenir celui des milliers de Serbes qui ont manifesté leur opposition à l'indépendance du Kosovo. Et cela ne s'est pas fait sans heurts. La tension est montée d'un cran après de violentes émeutes à Belgrade qui ont fait un mort et une centaine de blessés après un rassemblement de masse. Un corps carbonisé, qui n'avait pas été identifié hier matin, a été retrouvé à l'ambassade des Etats-Unis, une des principales cibles des émeutiers. L'ambassade a précisé qu'il ne s'agissait pas d'un de ses employés. Les saccages qui ont duré plusieurs heures ont fait 118 blessés dont 30 policiers, alors que 3 blessés étaient toujours hospitalisés, selon des sources hospitalières. Mais la colère serbe contre l'indépendance du Kosovo a provoqué une vive tension dans les Balkans. Les Serbes bosniaques ont, en effet, plongé la Bosnie dans l'incertitude en proclamant qu'ils avaient le droit, à terme, de faire sécession, si l'ONU et une majorité des pays de l'UE reconnaissaient l'indépendance du Kosovo. Comment donc sera gérée cette situation de crise ? Plus que cela, ce sont les dangers qui pèsent sur les Balkans. Un dérapage calculé ?