Le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a envenimé la situation par le communiqué incendiaire rendu public à la veille du déclenchement du mouvement de débrayage. Une grève qualifiée par ses animateurs de plus que satisfaisante pour son premier jour puisqu'elle a fait un carton dans plusieurs wilayas et dans différents secteurs. Si l'on en croit le porte-parole de la coordination, Méziane Mériane, plus de 80% des fonctionnaires ont réagi favorablement au mot d'ordre de grève. Dans certaines régions, selon le syndicaliste, tous les établissements scolaires, les universités, les hôpitaux et l'administration publique étaient paralysés hier, et ils le seront encore aujourd'hui et demain. « Les déclarations du chef du gouvernement ont eu l'effet inverse chez les fonctionnaires. Ces derniers sont écœurés et éprouvent du dégoût par rapport au comportement irresponsable du chef de l'Exécutif », a souligné M. Mériane, en rappelant que le marasme profond dont souffre l'Algérien a été constaté par tout le monde, à l'exception du chef du gouvernement. Les menaces, les intimidations, la pression, le communiqué « diffamatoire » du gouvernement et du ministère de la Santé ont renforcé la détermination des protestataires. « Si les syndicats autonomes ont mis cinq mois pour passer à la protestation, c'est parce qu'ils croyaient dur comme fer que les portes du dialogue allaient s'ouvrir. Malheureusement, ils n'ont récolté que déception. Le pire est que le gouvernement leur répond par un communiqué diffamatoire qui les traite d'agitateurs », a déploré notre interlocuteur. A Oran, Béchar, El Bayadh, Adrar, Mila et tant d'autres villes, la grève a été un succès. Le taux a atteint les 90%. Les villes de Mila et de Khenchela étaient livrées à elles-mêmes, selon le Snapap. Les ordures accumulées dans les rues et les écoliers renvoyés chez eux ainsi que les sit-in dans les centres hospitalo-universitaires sont autant de preuves palpables quant au ras-le-bol de ces fonctionnaires de divers horizons. « Les agents de nettoyage, les femmes de ménage, les fonctionnaires même du département des affaires religieuses ont répondu positivement au mot d'ordre de grève. A Bouira et à Aïn Defla, l'administration a été entièrement paralysée, le taux de suivi a dépassé les 80% », a souligné M. Mériane, en tonnant encore une fois que le 24 février est une date symbolique qui appartient au peuple algérien et chacun a le droit de la célébrer à sa manière. Dans ce sens, les syndicats autonomes ont décidé de la fêter en déclenchant une grève de trois jours pour démontrer leur désappointement quant à la démarche du gouvernement caractérisée par une fuite en avant et une indifférence inégalée. Une démarche qui a fort heureusement montré ses limites sur le terrain vu la réponse donnée par les fonctionnaires à travers leur adhésion au mouvement de débrayage. Les secteurs de l'éducation et de l'enseignement supérieur ont fait le plein. Les enseignants, notamment des cycles primaire et moyen, ont exprimé leur ras-le bol face au mépris du gouvernement. Le corps de la santé a, de son côté, bravé tous les interdits en faisant sa démonstration de force. Faut-il rappeler dans ce contexte que M. Tou, ministre de la Santé, a fait l'exception en décidant de reconduire la formule appliquée aux paramédicaux en poursuivant en justice les quatre syndicats affiliés à la coordination. Le responsable du département de la santé a précisé dans un communiqué que « statuant en référé, la chambre administrative de la cour d'Alger a déclaré illégal l'appel à la grève lancé par quatre syndicats ». Il s'agit du Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP), du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP), du Syndicat national des maîtres-assistants en sciences médicales (SNMASM) et du Syndicat national algérien des psychologues (SNAPSY). Dans ce sillage, M. Mériane a tenté de retracer la genèse de l'affaire en s'interrogeant d'abord sur les raisons qui ont poussé le ministre de la Santé à agir tardivement. « Si c'est une grève illégale, pourquoi a-t-il attendu que le mot d'ordre soit lancé pour le dire ? Nous avons déposé des préavis de grève en bonne et due forme. Nous avons respecté la procédure légale, et M. Tou, au lieu d'appeler sa cheville ouvrière à la table des négociations, fait appel à la justice pour lui porter secours afin de casser les partenaires sociaux. Ceci est une aberration et un acte irresponsable », s'est exclamé M. Mériane. Toutefois, étant donné que l'affaire a été jugée en l'absence des représentants du syndicat et de leurs avocats, et que la décision de justice ne leur a pas été notifiée, les syndicats ont opté pour la poursuite de la grève. En outre, la coordination nationale ne compte pas s'arrêter à ce stade. Bien au contraire, elle envisage de radicaliser le mouvement en frappant très fort. Avec le comportement du chef de l'Exécutif, toutes les réactions sont ouvertes et les syndicats envisagent sérieusement de boycotter les examens de fin d'année, notamment le baccalauréat et le BEM.