A la veille du mouvement de débrayage initié par douze syndicats formant la coordination nationale des syndicats autonomes de la Fonction publique, le gouvernement sort de sa réserve, non pas pour jouer la carte de l'apaisement, mais pour aviver la flamme des protestataires. Dans un long communiqué répercuté par l'agence APS, les services du chef du gouvernement parlent d'une « agitation infondée », constatée dans certains milieux de la Fonction publique, prenant ainsi « en otage les usagers des services publics ». Selon l'Exécutif, cette « agitation se nourrit » de l'application de la nouvelle grille des salaires dont l'adoption entre dans le cadre d'un processus mûrement réfléchi et planifié. Ces déclarations n'ont pas laissé indifférents les animateurs de la grève de trois jours prévue à partir d'aujourd'hui, 24 février, date symbolique coïncidant avec la naissance de la lutte syndicale. Cette démarche est qualifiée de première dans les annales. Méziane Mériane, porte-parole de la coordination, regrette ce comportement et déplore la démarche du chef du gouvernement persistant dans sa logique de mépris à l'égard des partenaires sociaux. « Est-ce que le fait de demander ses droits et de vouloir participer à la construction du pays est une agitation ? Est-ce que le fait de demander l'ouverture d'un dialogue sincère avec les véritables représentants des fonctionnaires algériens est une perturbation du service public ? », s'est interrogé notre interlocuteur qui fait remarquer qu'il est quasiment impossible de renverser une équation irréversible. Les syndicats autonomes ne font pas grève de gaieté de cœur, ils confirment avoir usé de tous les voies et moyens avant de recourir au débrayage. Ils ont été, expliquent-ils, exclus de toutes les négociations, marginalisés, leurrés par une grille des salaires insignifiante. En somme, ils ont été déçus après des promesses non respectées. M. Mériane n'hésite pas à accuser le gouvernement, qui les traite aujourd'hui d'agitateurs, d'être responsable de la précarité dans laquelle vit le fonctionnaire algérien et d'être responsable de la gestion qui a causé une inflation galopante et incontrôlée dans le pays. « Est-ce que nous sommes dans l'erreur lorsque nous revendiquons notre dû ? Qui a exclu les syndicats de toutes les négociations, même lorsque la question concerne leur avenir ? », s'est demandé le chef de file de cette organisation syndicale en précisant que le gouvernement les a amenés et poussés à faire grève. « Si les portes du dialogue étaient ouvertes comme le prétendent les hauts responsables du pays, on ne serait pas arriver à cette situation. L'Etat a élaboré un statut sans la consultation de la base, il a confectionné une grille des salaires qui ne répond pas aux attentes des fonctionnaires et on n'évoque plus le régime indemnitaire. Pourquoi ? », condamne M. Mériane. Etant persuadé que le gouvernement panique en optant pour une telle alternative, le représentant de la coordination tente de rafraîchir les mémoires en rappelant les déboires des syndicats qui ont été sommés de rebrousser chemin lorsqu'ils se sont déplacés à la chefferie du gouvernement pour remettre une lettre de doléances à M. Belkhadem. « Le chef du gouvernement ne s'est même pas manifesté pour rassurer les fonctionnaires et les services de l'Exécutif nous ont poliment renvoyés, et aujourd'hui, il se permet de nous accuser d'agitateurs », a tonné le syndicaliste. Les représentants des douze syndicats affirment que la nouvelle sortie de M. Belkhadem est une autre tentative pour casser la grève, mais les fonctionnaires ne sont pas dupes. « Les fonctionnaires sont conscients qu'ils sont en train de mener un combat noble, juste et pacifique pour arracher leurs droits socioprofessionnels, donc nul ne peut infléchir leur dynamique », soutiennent les responsables des syndicats autonomes.