Le quartier populaire parisien Barbès n'a pas encore construit son propre ministère des Identités supranationales, mais cela fait douze ans qu'il s'est doté de son orchestre national. Au bout d'un troisième album, l'ONB continue de porter haut un style musical hybride, à la croisée des origines des musiciens. Né dans les bars du plus cosmopolite quartier parisien, au milieu des années 1990, l'Orchestre national de Barbès ne cesse de donner ses plus belles lettres à cette musique frappée de l'étiquette générique « world ». Bien sûr, l'ONB est world, mais davantage par sa destinée que par un incertain label commercial. Depuis le milieu des années 1990, dans le sillage de ce qui s'apparente à un renouveau, notamment de la musique algérienne – et maghrébine –, l'ONB ne cesse d'étendre ses ailes, écumant scènes européennes, sud-américaines et autres. Chacune de ses prestations est un rendez-vous sûr avec la fièvre festive, colorée des rythmes alaoui, gnawi, bedoui et kabyle. Le nouvel opus Alik, qui vient de sortir en France, confirme les premiers élans de l'ONB et nous invite à de nouvelles escales. Il y a d'abord Résidence, reprise décalée du fameux titre de Slimane Azem (originellement La Carte de Résidence), écrit par Mohand Anemiche. Une deuxième escale pour retrouver le débridé Mohamed Mazouni, dont Youcef Boukella adapte le titre Java, La Rose. La troisième, qui se pose sur l'île du vieux leader Maximo et du « mojito » Wawa, écrite par Kamel Tenfiche, est un hommage aux bus populaires cubains… genre l'interurbain Tafourah - Barraki question confort. Ou encore, une reprise de Sympathy for the Devil des Rolling Stones, comme retour aux premières amours. On connaît tous l'adage : « Chasser le T34, il revient sur scène. » Dans la période qui a suivi le sacre de Poulina, en 1999, il y avait comme une séquence de flottement dans le parcours de l'ONB. Beaucoup ont cru à un épilogue de l'aventure, à l'instar de la plupart des groupes nés sous les oriflammes de l'émigration. Il n'en est rien, pourtant. « Nous avons voulu éviter de tourner longtemps avec les mêmes propositions. Chacun est reparti de son chemin vers d'autres expériences, pour mieux se retrouver autour de ce nouveau projet », explique Youcef Boukella. L'Orchestre se défend plutôt comme une plateforme qui accueille des parcours aux destinées artistiques diverses. C'est cette diversité des parcours qui s'introduit dans la coloration musicale de l'ONB et lui donne toute son énergie. Aussi nombreux qu'une équipe de football, les musiciens en font plus qu'une image, une règle : jouer collectif. La scène reste le champ de bataille préféré. De là que tout est parti et c'est vers là que tout revient, car, pour les amateurs, on a beau écouter l'ONB sur support fixe, le rite n'est jamais entier si l'on est privé de leurs concerts. Début mars, le groupe entame une tournée d'environ cent dates, vers d'innombrables scènes et festivals d'Europe et d'ailleurs. Sinon, les musiciens de l'ONB connaissent bien les scènes du Maroc et de la Tunisie. Ils connaissent aussi un vaste pays entre les deux, nommé l'Algérie, où ils ne se sont jamais produits. Pourtant, ils y sont aussi célèbres et estimés que leur nation d'inspiration, Barbès. Mehdi Askeur : « On brûle d'envie de jouer en Algérie. Connus et attendus partout, il nous manque ce passage essentiel ». Si passage il y aura face au public algérien, ils se verront sûrement devancer pour crier : « Pleased to meet you ! » Orchestre National de Barbès Alik (Wagram-Music)