Alexandrie, le Caire, Paris, Penhars, Montréal, Allemagne,…..ce sont les destinations du mémorable groupe de l'Orchestre national de Barbés, ONB si vous préférez, un nom qui sonne comme une équipe de foot. Agenda bien plein pour les mois de juin et juillet pour ce groupe difficilement classable du point de vue de sa nationalité, ses membres sont autant algériens que marocains ou français. Mais la musique, c'est la musique, elle n'a ni couleur, ni frontière, ni nationalité. Habitué à la salle mythique de l'Olympia à Paris, ONB, s'était surtout fait remarquer avec son dernier album " Alik " (Attention), sorti en février 2008 à l'Elysée-Montmartre à Paris. Sa tournée a été alors amorcée en mai de cette année là à l'Olympia. Mais bien avant, au printemps 2003, l'Orchestre national de Barbès a poursuivi l'aventure avec une formation réaménagée qui a vu arriver Khlif Miziallaoua (guitare), Mustapha Mataoui (clavier), Emmanuel Le Houezec (flûte, saxo) et le projet d'un troisième album régulièrement remis sur le métier. Sous la forme d'un CD 10 titres, " Alik " est sorti chez Wagram. On y trouvera le fameux " La Carte de résidence " de Slimane Azem que l'Orchestre a souvent revisité depuis dix ans, " Civilizi " de Cheikh Mamachi et... " Sympathy for the Devil " des Rolling Stones. La très bonne idée de l'orchestre, c'est la réunion de douze musiciens français, marocains et algériens qui se sont longtemps croisés sur scène ou en studio. Il y a notamment l'auteur, compositeur et bassiste Youcef Boukella, celui de l'heureux album Youcef (Virgin, 1994), Aziz Sehmaoui nourri aux ryhmes des cérémonies gnawa de Marrakech, Fateh Benlala qui fut l'élève au conservatoire d'Abdelkader Chercham, une figure du chaâbi d'Alger, le chanteur Mehdi Akseur qui les a rejoints avec leur second album. L'ONB s'étant toujours proclamé plaque tournante de musiciens qui échangent leurs différences et les rendent complémentaires, il y eut également des départs pour d'autres aventures comme ce fut le cas avec Larbi Dida, chanteur et transfuge de Raïna raï, le saxophoniste Alain Debiossat, le guitariste Olivier Louvel et Aziz Sehmaoui. Leur premier disque a été vendu à plus de 100.000 exemplaires. Après l'Olympia en avril 1999, à l'occasion de la sortie de Poulina leur second opus, ils avaient fêté çà au Zenith. L'histoire remonte au début des années 1980 dans le quartier de Belcourt à Alger. Youcef Boukella écoute du rock et de la bossa nova avec ses grands frères. Devenu bassiste, il joue dans le premier groupe de rock algérien, T 34, dès l'année 1985. Il embarque ensuite dans les valises d'un musicien américain, Jeff Gardner pour Paris. Il se retrouve au milieu de la tourmente raï du moment. Il accompagne alors Cheb Mami ou le kabyle Takfarinas. C'est le musicien Safy Boutella qui l'initie au jazz underground. Il enregistre alors un album de quatre titres avec Larbi Dida, ex-chanteur de Raïna Raï, groupe de raï-rock. En 1994, il enregistre un album solo "Salam". Leur travail est unique : détenteurs d'une connaissance particulière de la musique traditionnelle d'Afrique du Nord, aussi bien au niveau technique que spirituel, ils continuent pourtant leur recherche de sonorités nouvelles. La pop fait aussi partie intégrante de leur style et s'y glisse facilement grâce aux instruments électriques. Le saxophoniste du groupe de jazz Sixun Alain Debiossat, ainsi que les claviéristes Jean-Baptiste Serré et Tewfik Mimouni viennent aussi apporter leur collaboration à cette entreprise de fusion musicale. Dans les concerts, on les voit tous rayonner de plaisir à jouer ensemble dans une complicité que l'on devine sincère. Ce n'est que cette année que l'on retouve enfin dans les bacs, le troisième album de l'Orchestre national de Barbès. "Alik", enregistré dans le fameux lieu appelé l'Usine (avant d'en rendre les clés). On y trouve un hommage à de grands artistes de la chanson algérienne : "Résidence 2", évocation de la condition d'immigré ; Mohamed Mazouni avec "Lila". Par ailleurs, la reprise étonnante de "Sympathy for the devil", un titre des Rolling Stones permet au groupe de poursuivre son entreprise de décloisonnement musical et culturel. Car comme d'habitude, de nombreuses influences se croisent et fusionnent dans la musique de l'ONB, le chaâbi, le raï, le reggae, la musique gnawa, mais l'incursion avérée du rock transforme "Alik" en album de la mutation. Par Rachida Couri