Le projet de l'union méditerranéenne est-il possible ? Jean Dufourcq, contre-amiral à la retraite, docteur en sciences politiques et directeur de recherche à l'Ecole militaire de Paris, estime que le chantier est ouvert. « Il y a des travaux en cours dans les différents pays concernés. Les représentants de ces pays vont être réunis par la France en mars prochain pour ouvrir des négociations classiques », indique-t-il lors d'une conférence-débat animée hier au centre d'Ech Chaab des études stratégiques. Le contre-amiral précise qu'une rencontre décisive aura lieu le 13 juillet en France. Cette rencontre regroupera 22 pays du bassin méditerranéen et trois pays traditionnellement proches de cet espace maritime (le Portugal, la Mauritanie et la Jordanie). Les travaux se dérouleront sous l'observation de deux représentants, respectivement de la Commission européenne et de la Ligue arabe. Pour le conférencier, la création d'une union méditerranéenne ne remettra pas en cause les « circuits habituels » de dialogue méditerranéen dont les 5+5. Au contraire, cette union servira, à ses yeux, à combler les vides laissés par ces circuits, pour aller de l'avant dans la sécurisation et le développement de cet espace commun. Le contre-amiral exclut également l'existence d'arrière-pensées visant à « pousser les pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël », « mettre fin au projet d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne », « contrecarrer le projet américain du Grand Moyen-Orient » ou encore « reporter le filtre de l'immigration ». Selon lui, l'idée de ce projet est de créer « une zone d'intégration politique », « un carrefour des civilisations » et « le laboratoire de la mondialisation ». Développant l'aspect sécuritaire, le conférencier explique que les initiateurs de ce projet veulent arriver à « une sécurisation durable de la Méditerranée ». Cette « sécurisation durable » concerne à la fois l'environnement maritime et humain. « Dans le domaine de la sécurité, il y aura des actions ciblées pour assurer la sécurité alimentaire, sanitaire et énergétique » des pays et peuples de la Méditerranée. Le contre-amiral soulève également la question de l'ouverture des frontières, faisant allusion à l'Algérie et le Maroc. Cet espace, pour lui, permettra de développer les ressources vitales et de préparer l'après-pétrole. Il évoque aussi la sécurisation administrative et judiciaire « pour faciliter l'arrivée des investisseurs étrangers ». En résumé, le contre-amiral Jean Bufourcq cite trois défis sur lesquels devrait être axée cette union méditerranéenne. Il s'agirait de la révolution démographique, le défi écologique et la redistribution du marché. Le conférencier estime que l'immigration et le terrorisme ne constituent pas le fondement de ce projet d'union. Pour lui, ce projet ne va pas être institutionnalisé comme c'est le cas de l'Union européenne ou d'autres unions existantes. « On n'a pas besoin d'institutionnaliser cette union, même si la tentation est grande », soutient-il, ajoutant que si à l'avenir, le besoin se ferait sentir, il procédera à la création d'un secrétariat pour gérer les projets. L'Union méditerranéenne se concrétisera, d'après lui, à travers la réalisation de projets communs. Il y aura, comme l'explique le conférencier, de grands projets, des projets partiels – qui concerneront seulement certains pays – et la labellisation des projets existants (en cours de réalisation). Le contre-amiral ne cache pas cependant le risque que ce projet soit confronté à ce qu'il appelle des « épines envenimées ». Il s'agit-là de questions politiques telles que le conflit israélo-palestinien et celui du Sahara occidental. Il admet que ni la France ni un autre pays ne disposent d'une solution à ces deux conflits qui durent depuis de longues années. Il estime que de tels conflits ne peuvent être réglés qu'entre les pays directement concernés.