Alors que le marché international des céréales et du tourteau de Soja semble maintenir le cap sur des augmentations à répétition des cours, une enseignante de l'ex-Institut Agronomique vient de produire une réflexion qui mérite toute l'attention des pouvoirs publics. Fruit d'un travail expérimental effectué voilà une vingtaine d'année sous la conduite du professeur Candau, spécialiste de la nutrition animale, le travail de magistère que vient de soutenir mme Benhamidat a le mérite de relancer un vieux débat et surtout de proposer une nouvelle association fourragère, dont les retombées pourraient influer positivement sur les élevages locaux. En effet, alors que généralement le soja était utilisé à double fin, la première consistant en l'extraction de l'huile qu'il contient et la seconde à nourrir les animaux domestiques avec le tourteau produit après l'extraction, cette matière de bas, en raison de sa forte teneur en protéines végétales, aura été à l'origine du développement considérable de la filière avicole à travers le monde. C'est grâce à l'association de ce tourteau avec du Maïs, source d'énergie, que l'aviculture moderne continue de fournir à l'humanité les viandes blanches et les œufs dont plus aucune économie digne de ce nom ne peut se passer. Ceci expliquant en grande partie les fortes tensions que connaît ce marché à travers le monde. A ce titre, les derniers mois nous auront largement convaincus que sans ces deux aliments essentiels, les élevages perdront rapidement de leur productivité. Lorsque l'on tente de faire le lien entre les cours mondiaux de ces matières premières et leur utilisation de plus en plus importante dans la production de biocarburants, on ne peut que se rendre à l'évidence que ces deux aliments fourragers constituent pour la plupart des pays qui les cultivent une source de richesse mais aussi une source de domination du commerce mondial. Ce sont toutes ces implications que l'enseignante aura mises en évidence dans son travail de réflexion et de proposition. Au départ, sa recherche avait pour unique objectif de mesurer les performances zootechniques chez des moutons nourris à base d'une association de soja en tant que plante entière et du mais cultivé en association. Lorsque ce travail avait été mis en place en 1977, il devait seulement répondre à quelques curiosités de chercheur. Car à cette époque, l'Europe en général et la France en particulier étaient liés au Etats-Unis par un accord portant limitation des surfaces cultivées en soja et autres protéagineux. Cette phase cruciale de ce qui sera un véritable bras de fer transatlantique est magistralement rappelée par la chercheuse, qui soulignera par ailleurs que seule la Suisse se singularisera par l'élaboration d'une stratégie alternative dans laquelle la culture du soja jouera un rôle central. Lors de l'évaluation de ce travail, on apprendra que non seulement l'Algérie avait entamé une recherche sur cette culture grâce à l'apport d'une petite communauté de chercheurs Chinois, mais que les résultats préliminaires auront fait l'objet de plusieurs travaux de recherches. C'était durant la décennie 70 pendant laquelle plusieurs sites de culture auront été réalisés. Les résultats fragmentaires que l'enseignante aura réussi à remettre au goût du jour, l'autorisent techniquement à proposer le retour à une approche pragmatique en matière de recherche agronomique. Faisant le parallèle entre la culture mixte Soja-Maïs, sa transformation en ensilage et son usage chez des animaux d'élevage, elle conclura naturellement en faveur de l'extension de cette culture à l'ensemble des zones d'élevage. Au moment où la filière avicole se débat dans des contraintes qui pourraient définitivement l'anéantir, en raison essentiellement de la cherté des matières premières que sont le Maïs et le tourteau de Soja, cette thèse de magistère vient à point rappeler que sans une recherche agronomique efficiente, sans une formation en sciences agronomiques de qualité, sans une réelle adéquation entre la recherche appliquée et l'enseignement, rien ne sera possible pour les élevages avicoles. Par ailleurs, l'expérience ayant été réalisée également en nutrition chez des ruminants, le lien avec la production laitière est tout à fait approprié. Dans cette optique, la valeur alimentaire du mélange Maïs-Soja en tant que plante entière permet incontestablement de lorgner vers la production laitière dont le pays a grandement besoin. Cependant, au lieu des tentatives hasardeuses d'importation de 50 000 génisses pleines que le ministère et la chambre de l'agriculture sont en train de concocter à l'abri des couloirs feutrés d'Alger, il parait judicieux de poser la seule question qui vaille, à savoir que donner à manger à ces vaches à haut potentiel laitier ? De la réponse à cette question dépendra l'avenir de l'élevage bovin laitier du pays. Faudra-t-il se résoudre à importer également les aliments qui vont avec ? Le sort peu enviable qui est en train de se dessiner pour l‘aviculture devrait nous inciter à une plus large réflexion. Force est de reconnaître que le travail réalisé sous la responsabilité du Dr Miloud Halbouche constitue incontestablement une piste prometteuse. En la matière, il faut savoir que l'alternative, outre son originalité, vient revigorer un département des sciences agronomiques dont la dilution au sein de l'université n'aura produit que des effets dévastateurs tant sur la qualité des enseignements que sur la validité des travaux de recherches.