L'ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, vient de jeter un nouveau pavé dans la mare. Il affirme que les autorités algériennes n'ont jamais formulé des demandes officielles pour le dédommagement des victimes des essais nucléaires français en Algérie et la récupération des plans de pose des mines semées par le colonialisme français au niveau des frontières algériennes (Est et Ouest). Dans un entretien accordé à notre confrère El Khabar, publié dans son édition de mercredi 27 février 2008, Bernard Bajolet indique aussi que son pays « est prêt à remettre à l'Algérie les archives de l'époque coloniale ». « Nous avons invité à maintes reprises le directeur du centre des archives nationales à venir à Paris, mais nous n'avons reçu aucune réponse », explique-t-il encore. Ces révélations illustrent, on ne peut plus clair, le déphasage entre le discours officiel des autorités et leurs actions sur le terrain. En effet, en plus de l'exigence de la reconnaissance par la France des crimes commis par le colonialisme, les questions des plans des mines, les archives de l'époque coloniale et l'indemnisation des victimes des essais nucléaires de Reggane ont toujours suscité des polémiques entre les deux pays. Alors suffit-il de dénoncer un refus français de remettre des documents ou d'indemniser les victimes du colonialisme, dans un discours, pour avoir gain de cause ? Pour vérifier les faits révélés par le diplomate français, nous avons tenté de contacter les responsables du ministère des Moudjahidine et le directeur du centre des archives nationales, mais en vain. Les responsables du ministère des Moudjahidine n'étaient pas disponibles durant toute la journée. En revanche, au centre des archives nationales, il n'y avait personne pour nous répondre. Seuls les responsables de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) ont donné leur position sur le sujet. Affirmant ne pas vouloir se substituer au gouvernement qui est le plus habilité à répondre à l'ambassadeur de France. Benlhadj Mohamed Ouamar, chargé de communication de l'ONM, réaffirme la position de son organisation par rapport au colonialisme français. « L'ONM n'a jamais cessé de réclamer la reconnaissance des crimes commis par le colonialisme français. La France est venue en Algérie avec 4000 soldats et non pas avec 4000 enseignants et ingénieurs. Elle est venue nous coloniser et elle a commis des crimes abominables. La France doit reconnaître ses crimes et demander pardon au peuple algérien », lance-t-il. Concernant les questions des archives, des plans de pose des mines et l'indemnisation de toutes les victimes du colonialisme, notre interlocuteur soutient que « le gouvernement algérien avait bel et bien demandé ces documents ». « A ma connaissance, il y a eu, depuis l'indépendance, des réclamations des archives de la Révolution nationale, mais la France, se cachant derrière sa loi sur les archives, avait refusé de les remettre à l'Algérie. 45 ans après l'indépendance, les autorités françaises refusent toujours de restituer ces archives à l'Algérie », soutient-il. Il faut dire que le refus français de remettre à l'Algérie la cartographie des mines enfouies tout au long des frontières avait été dénoncé à maintes reprises par les autorités algériennes. La dernière critique en date est celle faite par le président Abdelaziz Bouteflika en 2005. Ce discours a-t-il été suivi par des demandes officielles ? On n'en sait rien. Toutefois, l'absence d'une demande algérienne ne dédouane pas les responsables français qui, s'ils avaient remis à temps les plans de pose de mines et les archives de l'époque coloniale, auraient pu contribuer à protéger des vies humaines et à faire toute la lumière sur une période de l'histoire des deux pays.