Bien qu'aucun bilan n'ait été établi, le nombre de victimes des essais nucléaires aériens ou souterrains effectués au Sahara augmente inexorablement, souvent dans l'anonymat. La France n'exclut pas une contribution matérielle pour le traitement des effets des essais nucléaires effectués durant l'époque coloniale en Algérie. C'est ce que révèle Son Excellence, l'ambassadeur de France en Algérie, Bernard Bajolet, dans une déclaration, rapportée hier par notre confrère Echourouk, qui affirme l'envoi dans ce cadre d'une équipe d'experts sur les lieux des explosions pour enquêter sur les dégâts causés aux habitations. Le diplomate français a précisé que son gouvernement réagira en fonction des résultats des enquêtes. Il a cependant révélé que le président Sarkozy a demandé à son homologue algérien, lors de sa visite d'Etat qu'il a effectuée début décembre, de séparer le dossier des essais nucléaires de Reggane de la coopération dans le domaine du nucléaire civil. Autre révélation de M. Bajolet, le président Sarkozy a proposé à M. Bouteflika, selon lui, « la prise en charge médicale des victimes des mines antipersonnel implantées en Algérie à l'époque coloniale ». Il reste que si la France a attendu 45 ans après pour révéler l'implantation des mines antipersonnel posées le long de nos frontières, aucune cartographie des sites des dépôts des déchets radioactifs n'a été fournie à l'Algérie à ce jour. Paris refusait toujours d'ouvrir ses archives militaires concernant ce contentieux, sous prétexte d'un prétendu « secret défense » ou en évoquant ses engagements vis-à-vis du TNP. Pourtant, ces essais nucléaires ont eu de graves conséquences sanitaires et écologiques dans le sud du pays, d'où cette exigence d'ouverture des archives de l'armée française en vue de connaître la vérité. Les essais nucléaires aériens ou souterrains effectués au Sahara ont produit de grandes quantités de déchets, enfouis seulement à quelques centimètres de profondeur, et fait beaucoup de victimes. Leur nombre augmente inexorablement, souvent dans l'anonymat. A ce jour, aucune liste n'est établie. L'absence de dépistage et d'archives sanitaires occulte les innombrables maladies comme le cancer et les décès entraînés par les radiations. Les victimes ne sont pas seulement les habitants des zones où les expériences ont eu lieu, mais même ceux se trouvant loin de cette zone. La France coloniale a effectué son premier essai en Algérie le 13 février 1960 à Reggane sous le code « La Gerboise bleue ». Selon des chercheurs algériens, 17 essais nucléaires au total ont été menés par la France au Sahara, dont 4 à Reggane, entre 1960 et le retrait définitif de l'armée française de cette région en 1967. On estimait à au moins 30 000 victimes algériennes de ces expériences. Le dossier des essais nucléaires français en Algérie a été ouvert en 1996. Mais depuis cette date, rien ou presque n'est fait pour se débarrasser de ce legs empoisonné. La France devait pourtant prendre sa responsabilité juridique. Outre l'aide technique qu'elle est en devoir de fournir en matière de décontamination, elle doit ouvrir ses archives, mettre des noms sur tous les lieux secrets où les bombes avaient explosé.