Le débat autour des archives coloniales remises récemment à l'Algérie a été relancé en faveur de la sortie médiatique de l'ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, le 27 février 2008, sur les colonnes du quotidien El Khabar. Le diplomate français a alors plaidé la bonne foi des autorités françaises, estimant que les documents visuels remis à l'ENTV ont été sélectionnés en toute honnêteté. Le diplomate français a dit en outre que l'Algérie n'a jamais demandé officiellement les plans de mines ou des dédommagements pour les victimes des essais nucléaires effectués par la France au Sahara. Des propos qui ont fait naître une vive réaction de la part de l'historien algérien Mohamed Harbi et du président de l'Association 8 Mai 1945, Mohamed El korso, contactés hier par notre journal. M. Harbi, tout en déclarant attendre la publication de la nomenclature des documents restitués à l'Algérie, lance avec un ton presque ironique : « Vous demandez aux Français qu'ils soient des nationalistes algériens ?! » Pour lui, quelle que soit la portée historique des archives récupérées, on peut toujours les utiliser dans un autre contexte et pour un autre message. L'historien cite l'exemple du film documentaire réalisé par le défunt Azzedinne Meddour Combien je vous aime conçu sur des archives non algériennes, mais démontrant la bravoure et l'attachement de l'homme à son algérienneté. Pragmatique et serein, il souligne que « l'Algérie a tout intérêt à récupérer ses archives et à en faire l'usage qu'il faut ». Toutefois, il réclame le droit de la territorialité concernant les archives réalisées en Algérie par la France coloniale. Autrement dit, le droit de propriété dont jouit l'Algérie sur les archives réalisées sur son sol. Pour sa part, M. El korso indique que la portée historique de ces archives se mesure en fonction non pas de la symbolique, mais du contenu. « Or, rétorque-t-il, les archives remises se contentent de faire un historique de la France coloniale. Elles s'inscrivent en droite ligne de la loi du 23 février 2005 et cachent toutes les images réelles du colonialisme français ». Il ajoute : « On attend de la France qu'elle se débarrasse de son idéologie colonialiste. » Le président de l'Association 8 Mai 1945, se référant à la législation internationale, relève que toutes les archives produites en Algérie sont sa propriété. Il cite les cas de la Russie, de l'Allemagne et de la France même qui avaient pu restituer leurs archives. « On demande le retour de nos archives, même celles classées », réclame M. El korso, en confirmant l'existence de certaines archives en possession de particuliers dont les généraux Aussaress, Bigeard et Massu. Pour ce qui est des plans de mines et des dédommagements, M. El korso qualifie la déclaration de M. Bajolet de « leurre » et de « lecture déformée de l'histoire ». A ce propos, il renvoie l'ambassadeur de France à Alger aux différents discours du président Bouteflika, aux interventions des chefs du gouvernement successifs en sus des déclarations des ministres des Affaires étrangères et des Moudjahidine. Sans omettre le colloque international sur les essais nucléaires organisé à Alger en décembre 2007 à l'issue duquel la France a été interpellée pour la prise en charge des victimes algériennes.