Selon la Ligue de la défense des droits de l'homme (LADDH), des milliers de jeunes harraga ont été interceptés au large et conduits tout droit vers des centres d'internement en Libye ou vers des prisons tunisiennes. C'est une révélation fracassante qu'a faite hier Kamel Daoud, membre du bureau exécutif de la Ligue de la défense des droits de l'homme (LADDH). « Des milliers » de harraga algériens échouent dans des prisons et des centres d'internement en Libye et en Tunisie. Dans une conférence de presse animée hier, ce militant des droits de l'homme a rendu compte à la presse nationale et à l'opinion publique des résultats d'une enquête qu'il a menée sur toute la côte est du pays, notamment à Annaba. Il en ressort, d'après lui, que des milliers de jeunes harraga ont été interceptés au large et furent conduits tout droit vers des centres d'internement en Libye ou vers des prisons tunisiennes pour les plus « chanceux ». L'orateur, qui annonce la mise sur pied d'un comité national des disparus, de la mer cette fois, attire l'attention des autorités sur la « gravité » de la situation, mais aussi sur le profond désarroi de ces « centaines » de familles qui n'ont plus de nouvelles de leurs enfants. « Ça chauffe vraiment à Annaba ! », affirme Kamel Daoud qui révèle que beaucoup de familles veulent aller directement voir les autorités tunisiennes et libyennes pour demander des nouvelles de leurs enfants « officiellement portés disparus ». L'inquiétude de ces familles est d'autant plus grande que 64 ressortissants marocains — harraga également — auraient été « enterrés sous X dans une fosse commune ». Kamel Daoud pointe du doigt les autorités libyennes surtout coupables de faire « le sale boulot » au profit de l'Union européenne. Le dispositif de lutte contre l'immigration clandestine mis au point par l'Union européenne met à la disposition de la Libye tous les moyens matériels et logistiques (frégates, hélicoptères…) pour « pêcher » les harraga au large. Une fois interceptés avant d'atteindre les côtes italiennes ou espagnoles, les harraga sont conduits directement vers des centres d'internement également financés par l'Union européennes au pays de Kadhafi. Puis, c'est le silence jusqu'à ce que mort s'ensuive… Voilà résumé le travail des Libyens chargés par l'UE de « cueillir » des jeunes Algériens en mer avant de les jeter dans des centres de rétention dont ils n'en sortiront probablement plus jamais… L'arme fatale de l'UE pour Kadhafi Il est vrai que le pays de Mouammar Al Kadhafi est redevenu, comme par enchantement, fréquentable aux yeux des dirigeants européens qui lui offrent même des centrales nucléaire… Et ce travail de piraterie est fait plus humainement, plutôt moins dramatiquement par les gardes-côtes tunisiens, d'après l'enquête de la LADDH. Ces derniers immobilisent les harraga au large et leur extorquent 100 euros chacun puis leur donnent le choix de continuer l'aventure vers la Sardaigne ou alors les raccompagner en Tunisie. Mais malheur à ceux qui font le choix de rejoindre le pays de Ben Ali. Il sont directement conduits vers… les prisons. Pour ces derniers, c'est le rêve qui vire au cauchemar. Leurs familles, elles, subissent un drame de ne pas savoir où sont-ils, explique Kamel Daoud, soutenant que quasiment toutes les wilayas de l'Est disposent d'un quota de harraga. « De Annaba jusqu'à El Kala, presque toutes les familles sont touchées par le phénomène », affirme-t-il se basant sur une enquête sur le terrain effectuée par le comité des disparus. Les dirigeants de la LADDH, à leur tête son président, maître Mustapha Bouchachi et maître Ali Yahia Abdenour, se sont relayés pour dénoncer le « silence » des autorités face à ce phénomène. « Ce sont des citoyens algériens, l'Etat se doit de les protéger », s'écrie maître Ali Yahia. Et à Kamel Daoud d'asséner : « On doit avoir honte du phénomène de harraga pour un pays qui amasse des pétrodollars ! »