C'est un constat plutôt accablant, voire même un tableau noir de la situation des droits de l'Homme qui a été dressé hier par Mostefa Bouchachi, président de la LADDH. “L'Algérie est classée parmi les derniers pays démocratiques dans le monde arabe, notamment l'Afrique. Nous étions sur la bonne voie, maintenant nous constatons une régression dans les libertés et les droits de l'Homme”, a déclaré le conférencier qui a ouvert cette rencontre en condamnant les crimes contre le peuple palestinien, dénonçant ainsi la situation précaire à Gaza. Il a déploré le maintien de l'état d'urgence, qui interdit aux Algériens d'exprimer et de manifester leur solidarité avec le peuple palestinien. “Cela fait plus de 16 ans que nous vivons en état d'urgence. Il faut lever cet état pour l'évolution de la vie politique, notamment celle du citoyen”, a-t-il revendiqué. Evoquant le projet de la révision de la Constitution, le président de la ligue a précisé que la LADDH soutient l'alternance au pouvoir, symbole de la démocratie. Il s'est interrogé sur l'utilité de la révision de la Constitution et les volets qui sont concernés par ce projet. “Il n'est pas crédible de changer de Constitution tous les 10 ans. Il semble que la révision de 1996 a ouvert les portes de la démocratie. Il faut considérer les Algériens comme de vrais électeurs qui choisissent leurs élus non comme des sujets”, a précisé Ali Yahya Abdenour. Dans le même sens, M. Bouchachi a répondu au responsable de la Sûreté nationale en disant qu'“il n'y a pas de quoi être fier d'avoir la meilleure des polices. C'est un symbole de régression de la démocratie”. Il a signalé que sur le plan politique, l'Algérie a également enregistré une régression avec le refus de délivrer des autorisations pour la création de partis politiques, d'associations notamment des syndicats, réduisant ainsi le champ des libertés et d'expression. “En actionnant la justice contre des syndicalistes qui font grève pour des raisons économiques, le gouvernement a bafoué leur droit à la protestation qui est préservé par la Constitution”, a-t-il noté. Il est revenu sur la situation des droits de l'Homme et a déclaré qu'“il n'y a jamais eu un débat national concernant la législation des droits de l'Homme ; bien au contraire des lois ont été révisées dans le seul objectif d'outrepasser ces droits. Nous avons reçu plusieurs rapports concernant des cas de torture lors d'interrogatoires dans des commissariats sans que la justice ne fasse quelque chose”, a-t-il déclaré. Il a cité le cas qui s'est produit la semaine dernière à la prison d'El-Harrach. Selon la LADDH, cette affaire concerne un groupe de prisonniers de droit commun qui ont refusé de rejoindre leurs cellules suite à la décision administrative de fermer la salle de prière. “Ces prisonniers ont été frappés puis déshabillés avant de se faire agressés une autre fois ; certains ont eu même des fractures. Il faut que la justice ouvre une enquête concernant cette affaire”, a signalé notre interlocuteur. Il a revendiqué, par ailleurs, l'ouverture du débat sur l'abolition de la peine capitale. M. Kamel Daoud, membre de la ligue, a exposé le problème des droits des candidats à l'émigration clandestine. “Les harragas ne sont pas des suicidaires bien au contraire, ils espèrent mieux vivre ailleurs. C'est l'absence de droits qui les pousse à partir par tous les moyens et à quitter notre pays. Il faut s'attaquer au fond du problème pour résoudre ce phénomène”, a-t-il déclaré. Il a précisé qu'à l'est du pays, plusieurs familles de Annaba sont touchées par ce fléau. Il a dénoncé, par ailleurs, l'emprisonnement de ces émigrés clandestins, notamment en Tunisie et en Libye. “Selon les dernières informations, 64 harragas marocains ont été enterrés dans une fausse commune en Tunisie et en Libye, c'est carrément un centre de concentration à l'image de Guantanamo. Concernant les clandestins algériens détenus dans les pays voisins, nous n'avons aucune nouvelle à part qu'il s'agit de plusieurs disparus. Nous voulons que le gouvernement ouvre une enquête concernant ces disparus et que leurs droits soient préservés”, a-t-il précisé. Nabila Afroun