Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées, hier, devant la présidence de la République. Par leur action, elles voulaient interpeller le premier magistrat du pays sur le sort d'une trentaine de harraga algériens emprisonnés en Tunisie. Une délégation de six personnes a pu être reçue par un responsable au niveau de la Présidence. « Nous avons été reçus par un certain M. Benachour qui nous a rassurés que notre affaire sera prise en charge au plus haut niveau », nous a déclaré Rabah Kheladi, membre de la délégation. Les manifestants, qui ont été dispersés par les forces de l'ordre en début d'après-midi, affirment n'avoir opté pour ce rassemblement qu'en dernier recours. « Nous avons sollicité le ministère des Affaires étrangères ainsi que les ligues de défense des droits de l'homme, sans résultat. Depuis quatorze mois, rien n'a été fait. Nous avons donc décidé de porter l'affaire au plus haut niveau de l'Etat dans l'espoir qu'elle soit bien prise en charge. Car, nous nous inquiétons beaucoup quant au sort de 39 jeunes harraga qui sont depuis octobre 2008 dans des prisons tunisiennes », tempête Fatah Aïssou, porte-parole du mouvement. Les manifestants demandent ainsi au chef de l'Etat d'intervenir auprès de son homologue tunisien afin d'obtenir la libération de ces harraga qui croupissent en prison depuis des mois. Tentant de traverser la Méditerranée à bord d'embarcations de fortune, ces jeunes, originaires d'Alger et de Annaba, ont été interceptés par la marine tunisienne et mis en prison. « Ils sont encore mineurs. Le plus âgé d'entre eux n'a pas encore vingt ans. Leurs familles n'ont plus eu de nouvelles d'eux depuis leur arrestation le 8 octobre 2008 », ajoute M. Aïssou qui regrette l'inertie des pouvoirs publics face à cette situation qui aurait pu être réglée il y a longtemps. Ces jeunes qui ont fui le chômage et la malvie ne sont pas les seuls à souffrir dans des geôles à l'étranger. D'autres Algériens, ayant tenté de rejoindre la rive nord de la Méditerranée, se trouvent dans des centres d'internement en Libye, en Italie et en Espagne. Ils sont sans aucune assistance. Et leurs familles réclament vainement leur libération. Une première alerte a été donnée par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) qui a fait état en 2008 de la présence de « milliers » de jeunes harraga algériens dans des prisons en Libye et en Tunisie. Contacté hier par nos soins, Kamel Daoud, membre du bureau exécutif de LADDH et auteur de l'enquête sur les harraga disparus, dénonce fermement « l'indifférence » des pouvoirs publics quant au sort de ces harraga. Les considérant comme des réfugiés, M. Daoud estime que les droits ces migrants sont « bafoués », comme ceux des immigrés subsahariens. Notre interlocuteur indique être en contact avec la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme afin de trouver des « moyens de pression » sur les gouvernements des deux pays afin qu'ils les traitent avec dignité qu'ils soient algériens, tunisiens ou autres... Dans ce sillage, M. Daoud regrette que les pays de la rive sud de la Méditerranée dont l'Algérie et la Tunisie soient fortement mobilisés pour résorber les flux migratoires vers l'Europe. Et pour une plus large sensibilisation sur le phénomène de la harga, M. Daoud annonce l'organisation par la LADDH d'une table ronde le 19 décembre prochain à Annaba.