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L'année du doute de Bouteflika
Entre la tentation du 3e mandat et la réalité du terrain
Publié dans El Watan le 10 - 03 - 2008

A une année de la présidentielle, Abdelaziz Bouteflika observe un silence pesant qui rend la visibilité politique très aléatoire. De la même manière qu'il est en mesure de foncer droit à l'assaut d'un 3e mandat, le Président est aussi capable d'un retrait spectaculaire qui lui ouvrirait les portes de la postérité.
Et si tous ces appels hystériques et vaudevillesques à une « ouhda thalitha » n'étaient qu'une mise en scène destinée à amuser la galerie, avant que l'oracle ne soit rendu ? Pour farfelue qu'elle paraît, cette hypothèse n'en est pas moins envisageable. Quand on observe, régulièrement, la baisse brutale de leur entrain et le ton plutôt saccadé des clameurs du « public » acquis sans réserve à la révision constitutionnelle et son pendant le troisième mandat pour Bouteflika, on se rend compte finalement que tout n'est pas tranché en haut lieu. A commencer par le président de la République, lui-même, qui n'a pas jugé utile de glisser ne serait-ce qu'une allusion sur ses intentions. La question mérite qu'on s'y attarde, d'autant qu'on est pratiquement à une année de la présidentielle, voire quelques mois seulement avant la convocation du corps électoral. C'est que suivant l'architecture constitutionnelle actuelle, Bouteflika est légalement hors course. Il lui faudra donc triturer le texte fondamental pour pouvoir se mettre en orbite. Et une telle démarche suppose une préparation et un argumentaire politique solide qui ne peut se réduire à la piteuse danse du ventre à laquelle se livrent, sans état d'âme, les zélateurs et autres thuriféraires de tout poil. Le président Bouteflika est sans doute conscient que son dessein est politiquement très coûteux en ce qu'il tord le cou au sacro-saint principe de l'alternance au pouvoir. Et ce n'est certainement pas en comptant sur le soutien du FLN de Belkhadem, de Bounedjma ou encore des élus de… Aïn Sefra et de cette mystérieuse académie de la société dite civile, qu'il va convaincre l'opinion publique nationale et internationale qu'il est à ce point irremplaçable…
Coup de force ou coup de maître ?
Le commun des Algériens préoccupés par le couffin de la ménagère de plus en plus cher a déjà divorcé d'avec les JT ronronnants de la télévision nationale. Le spectacle offert par ces « souteneurs » avant l'heure ne prête même plus à rire tant le quotidien des Algériens est rythmé par la cherté de la vie, les agressions, les viols et les vols. En marquant soudainement le pas, ces « troupes » ont dû être rappelées à l'ordre en haut lieu. En attendant un contre-ordre, peut-être. Il est pourtant évident que l'agitation des comités de soutien, façon comités populaires libyens, cadre très mal avec le terrain des luttes syndicales qui renvoie l'image d'une Algérie opprimée, marginalisée et privée du bénéfice des pétrodollars. L'image de ces enseignants, ces médecins, ces magistrats et tous ces bataillons de fonctionnaires criant leur malvie depuis quelque temps obscurcit à elle seule tous les bilans maquillés et les chiffres démesurément rondelets qu'affichent les tableaux de bord officiels. Et si l'on ajoute l'intérêt porté par certaines chancelleries occidentales aux préoccupations premières des Algériens via les partis politiques, on déduirait ipso facto que la façade du régime, à sa tête le président Bouteflika, a subi une lézarde. Comment donc « vendre » aux partenaires de l'Algérie un troisième mandat alors que des pans entiers de la société s'enfoncent dans la précarité à cause, précisément, de ces hommes qui ont échoué dans leurs politiques ? Le pari est difficile autant au niveau interne qu'à celui externe. D'autant plus difficile qu'il va falloir retoucher la Constitution pour permettre à Bouteflika dans la peau d'un « sauveur » de terminer ses chantiers comme si l'Algérie avait besoin d'un chef de chantier. Or, il aurait fallu poser la question autrement, à savoir pourquoi le Président, deux mandats durant, n'a pas pu terminer ces chantiers ? Là est la question. Il va de soi que le silence pesant du Président sur ses intentions à une année de la présidentielle pourrait suggérer un ultime examen de conscience à la lumière de son bilan et de l'accueil réservé aux ballons sonde qu'il a lancés sur le terrain du soutien. Une année c'est en effet très court pour un Président qui doit faire une gymnastique constitutionnelle pour se mettre aux starting- blocks. A moins qu'il ne décide de foncer tête baissée et, quand il veut, se lancer à l'assaut d'un troisième mandat quel qu'en soit le prix. Auquel cas, ce serait un coup de force en bonne et due forme. Imprévisible, Bouteflika est également capable d'un coup de maître qui le ferait sortir par la grande porte comme l'a fait avant lui le président Zeroual. Et dans tous les cas de figure, en Algérie c'est désormais l'année du doute.


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