Le 5 Juillet a perdu son faste d'antan. Depuis au moins deux décennies, seules quelques manifestations protocolaires célèbrent çà et là ce jour clé qui incarne pourtant le basculement définitif de l'Algérie vers son indépendance après sept années d'une guerre effroyable. Le désintérêt officiel pour cette date a accompagné l'usure du système politique : il a pris naissance dans la fin du boumediénisme, a été accéléré par la révolte d'Octobre 1988 pour atteindre son point d'orgue dans l'émergence de l'intégrisme. Tout comme le 1er Novembre, le 5 Juillet ne représente pour les dirigeants qu'un instant mobilisateur de l'opinion publique ; et en ne trouvant plus d'intérêt politique à les célébrer de la manière qui sied à leur importance - par la fête, le recueillement et le souvenir - ils ont privé la population de deux repères de mémoire exceptionnels. Déjà lourdement handicapée dans sa connaissance de l'histoire profonde de son pays, la jeunesse algérienne est pénalisée d'une rencontre essentielle et constructrive avec les dates fondatrices de la nation qui sont d'ailleurs aussi multiples que fécondes. L'occultation et la banalisation vont plus loin encore puisqu'elles touchent les faits et les hommes. L'écriture de l'histoire menée par les tenants du système s'est faite à travers le prisme de leurs intérêts : des événements sont mis en relief, d'autres tus, des acteurs de la Révolution ont été portés aux nues, sur d'autres a été posée une lourde chape de plomb. De 1962 à nos jours - quelques progrès ont été toutefois enregistrés ces dernières années -, c'est une histoire tronquée et mutilée, voire truquée, qui a été présentée aux Algériens. Comment dès lors s'étonner du déficit en patriotisme qui fait ravage au sein de la société ? Et même si une date commémorative est célébrée avec faste, elle n'entraîne pas automatiquement un sursaut d'intérêt pour l'histoire du pays : les dégâts sont lourds et la défiance entre la population et ses dirigeants trop importante. Aussi, les manifestations officielles prévues pour le 1er Novembre prochain - le cinquantième depuis le déclenchement de la guerre de Libération en 1954 - aussi grandioses soientelles ne s'inscriront dans aucune dynamique de connaissance et de réhabilitation de l'histoire comme elles n'auront aucune chance de fouetter le patriotisme. Le système seul en engrangera les dividendes, si dividendes il y aura.