La scène proche-orientale tend à bouger, mais pour que cela soit effectivement possible, il faut que ce mouvement éventuel soit bien réel, il faudrait que toutes les parties y soient impliquées. L'on retiendra, dans ce contexte, l'initiative syrienne qui propose la reprise des négociations avec Israël non plus là où elles se sont arrêtées, il y a quatre années, mais sans conditions préalables. C'est là, diront tous les spécialistes de la question, une offre majeure qui tranche avec la position syrienne telle que connue jusque-là, c'est-à-dire une réelle intransigeance quant à la récupération de son plateau du Golan occupé par Israël en 1967, qui l'a annexé en 1980. En fin de compte, l'offensive est bien réelle, et elle tend manifestement à replacer l'initiative du côté arabe, et priver Israël de cette habitude de laisser la balle dans le camp arabe. A cet égard, le président égyptien Hosni Moubarak a rencontré son homologue syrien Bachar Al Assad, hier à Charm El Cheikh, avec comme objectif de contribuer à une reprise du dialogue entre la Syrie et Israël, à la suite de l'offre de discussions sans conditions préalables de Damas. « L'Egypte est prête à jouer un rôle (dans le rétablissement du dialogue entre Israël et la Syrie), à travers des contacts entre les deux parties », a indiqué le porte-parole de la présidence égyptienne, Magued Abdel Fattah, en soulignant que « la Syrie a fait de très grandes concessions en annonçant qu'elle voulait revenir aux négociations sans conditions préalables ». Le président Al Assad a lancé la semaine dernière un nouvel appel à la paix avec Israël, sans conditions préalables, mais l'Etat hébreu a répondu qu'il voulait d'abord voir des preuves de la bonne volonté syrienne. Un responsable syrien a toutefois nié, lundi, que la nouvelle rencontre de M. Al Assad avec M. Moubarak ait un rapport quelconque avec une médiation égyptienne entre Damas et Israël. Le sommet entre les deux présidents intervient à la veille d'une visite en Israël du ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Abou Gheït, qui doit avoir des entretiens avec son homologue israélien, Sylvan Shalom, M. Abou Gheït sera accompagné en Israël du général Omar Souleïmane, chef des services de renseignements égyptiens. Il serait normal de penser que cette initiative ne serait pas isolée. Elle tiendrait d'un processus plus large avec la relance bien que timide de la feuille de route, ce plan de paix mis au point par un quartette (Etats-Unis, Russie, ONU et Europe), avec pour objectif la création d'un Etat palestinien, non plus en 2005, comme cela était envisagé initialement, mais en 2009 comme vient de le déclarer très officiellement le président américain George W. Bush. C'est, par ailleurs, au moins un signal de la volonté arabe, qui a fait de « la paix un choix stratégique », envers la nouvelle secrétaire d'Etat américaine, Mme Condoleezza Rice, qui s'apprête à prendre ses fonctions. Reste maintenant la réponse que réservera Israël. Pour l'instant, son Premier ministre Ariel Sharon est amené à mettre de l'ordre dans sa coalition. Mais indéniablement, cette instabilité politique avec, à chaque fois, la perspective d'élections anticipées, fait partie d'un jeu politique qui permettrait au gouvernement israélien de ne prendre aucun engagement en ce qui concerne ce dossier. Le statu quo arrange Israël. A Charm El Cheikh, les deux chefs d'Etat discuteront, par ailleurs, des relations bilatérales et de l'élection présidentielle palestinienne pour désigner un successeur à Yasser Arafat, décédé le 11 novembre. Cette perspective, elle aussi, s'insère dans un mouvement plus vaste qui touche le Proche-Orient, et les Palestiniens s'y appliquent à sa réussite. M. Moubarak a reçu dimanche le président de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Mahmoud Abbas, candidat à la présidence de l'Autorité palestinienne. Il était accompagné par le Premier ministre palestinien Ahmad Qoreï et le président par intérim de l'Autorité palestinienne, Rawhi Fattouh. M. Abbas a annoncé lundi à Amman qu'il se rendrait, le 6 décembre, en Syrie en compagnie de membres de la direction palestinienne pour des pourparlers avec les dirigeants syriens. Ce sera une autre occasion de poursuivre la concertation et d'en finir avec les replis que l'on dit tactiques, mais qui alimentent les positions figées.