Pour la première fois, une carte établit le niveau de pollution des océans dans le monde. Trafic maritime, érosion côtière, surexploitation des zones de pêche : la côte algérienne figure parmi les plus touchées. Le résultat est bien pire que ce que la plupart des gens s'imaginent. » Benjamin Halpren, professeur à l'université de Californie, espère que l'étude qu'il vient de réaliser avec de nombreux scientifiques, publiée récemment dans la revue Science, va « réveiller les consciences ». Pour la première fois, une carte de l'impact humain sur les océans est établie : contrairement aux études menées auparavant, qui ne prenaient en compte qu'un seul type d'activité ou qu'un seul écosystème, celle-ci superpose 17 paramètres – pêche, changement climatique, pollution…– et 20 types d'écosystèmes marins – coquillages, coraux, mangroves…– à une échelle mondiale. Résultat : plus de 40% des océans de la planète sont lourdement affectés par les activités de l'homme. Les zones les plus polluées apparaissent en rouge. Parmi elles : la mer du Nord, le sud et l'est des mers de Chine, la côte Est des Etats-Unis, la mer Méditerranée, la mer Rouge. Quasiment toute la côte nord-africaine apparaît en orange vif (impact élevé). Un constat qui n'étonne pas les scientifiques algériens. « On ne dispose d'aucune étude sur l'état de la côte algérienne mais il est clair que l'impact anthropique est très important, explique Yacine Hemdane, docteur spécialiste en dynamique côtière et aménagement du littoral. Il suffit de regarder l'exploitation du sable marin, des dunes ou des oueds qui débouchent dans la mer, ou encore la façon dont le littoral est bétonné ou enroché. » D'après cet atlas, mis au point par le National Center for Ecological Analysis and Synthesis, la Méditerranée – et la côte algérienne – est particulièrement affectée par l'intensité du trafic maritime mondial. « La densité de la population sur notre littoral et le type d'activité sur le milieu marin laissent penser que cela va encore s'aggraver, souligne Mohamed Senouci, climatologue à Oran et membre du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Jusqu'à aujourd'hui, on manquait de données pour dresser ce type de bilan, mais désormais les images satellites ont créé une véritable rupture dans l'histoire scientifique. Ceux qui pensent encore que la pollution se mesure en allant sur place et en prélevant de l'eau pour des analyses sont dépassés, car les satellites peuvent observer les composés chimiques de l'eau à un mètre ! » Triste conclusion : seulement 4% des océans resteraient intacts. Les écosystèmes océaniques les mieux préservés sont ceux des régions polaires. « Mais ces sanctuaires relativement immaculés sont menacés de dégradation rapide, nuance un scientifique de l'étude, par la disparition grandissante de la calotte glaciaire (voir encadré), résultant du réchauffement climatique et de la propagation des activités humaines dans ces régions. »