Depuis la mort de cheikh El Hasnaoui en 2002 dans l'île de la Réunion, rares étaient les initiatives pour rappeler ce pionnier de la musique chaâbi algérienne. L'établissement Arts et Culture l'a fait jeudi et c'était une réussite. Animant la rencontre à laquelle ont été conviés certains artistes comme Medjahed Hamid ou encore l'arrière-petit-neveu du maître, Belaïd Tagrawala assurera que les « vraies voix » se font rares et que l'héritage d'El Hasnaoui a été dilapidé. Zedak Rachid entamera l'après-midi avec Cheyaathas adyas. Lui succédera Karim Becha qui chantera Ayema yema et quelques chansons de son cru avant que Hakim Tidaf ne termine le spectacle avec des chansons de sa composition. Celui à qui Igherbouchène donnera le nom d'El Hasnaoui fera tôt de descendre de son village natal, Thaddarth Thameqrant, à quelques encablures de la ville de Tizi Ouzou, et s'en ira travailler à la pêcherie d'Alger où il fréquentera les Nador et autres El Anka dans l'orchestre duquel il jouera au mandole. Après son retour au village et une brouille avec les siens, Mohamed Khelouat a préféré partir en France et ne pas revenir en terre algérienne, laissant grossir le mythe d'un amour désespéré pour la fille d'Ath Zmenzer, la bien nommée Fadhma. Il y fréquentera les chanteurs kabyles de l'exil. Plus de vingt ans s'écouleront, depuis le début de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à la fin des années 1960, période durant laquelle El Hasnaoui donnera la mesure de son art. Il se retira par la suite à Nice avant d'aller « chercher refuge » plus loin, à partir de 1988, sur l'île de la Réunion avec sa femme Denise. Mère disparue alors qu'il n'était âgé que de 2 ans et père toujours absent et quelque peu délicat, Mohamed Khelouat semble trouver son chemin qui le brouillera avec sa famille : la chanson. El Anka, M'rizek, Kaddour Cherchalli furent ses tout premiers compagnons mais « s'en séparera » par sa manière de jouer. D'ailleurs, après son arrivée à La Casbah, il fut « pris en charge » par un pêcheur qui lui fera découvrir le milieu « goumen » du port. Il n'hésitera pas à chanter en plus du kabyle en arabe algérien, avec toujours cette marque qui lui est particulière ; chansons courtes, et voix rauque. Des succès, El Hasnaoui en aura toujours mais n'hésitera pas à quitter la scène en 1968. Ya noudjoum el lil, Sani sani, Elghorva Fadhma, Maison blanche furent certains de ses succès fredonnés toujours par les générations actuelles. Faisant écho au vœu pressant des fans d'El Hasnaoui, Ali Mebtouche de la fondation La Casbah, dira que les autorités, qui ne semblent ne pas se résigner au fait de baptiser un lieu de son nom, doivent s'approprier la figure du cheikh. Mais, les Réunionais leur ont fait un pied de nez en le faisant les premiers. « Son corps doit être rapatrié », renchérira le chanteur chaâbi Redha Domaz, en assurant que El Hasnaoui a donné la parole à la femme et a été un « soixante-huitard » avant la lettre. Seul bémol : El Hasnaoui Amechtouch, de son vrai nom Aït Rahman Madjid qui a repris le répertoire de son idole et le fera revivre, n'a pas été présent durant l'après-midi. Sans en être le seul admirateur, il fut parmi les rares personnes admises dans le groupe du maître du chaâbi.