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Mohamed Saib Musette. Chercheur au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD) « Notre législation a besoin d'être réajustée »
Quelle appréciation faites-vous de la législation algérienne du travail ? Notre législation du travail est vieille. Elle date de plus de 25 ans. Le monde a changé. Les conditions de travail ne sont plus les mêmes. Cela fait que notre législation est en retard non seulement pour le travail, mais aussi pour le cas des enseignants chercheurs. Moi, par exemple, lorsque je travaille avec une université ou un établissement français, j'obtiens un visa selon la durée du projet. Si celui-ci est de deux ans, j'obtiens alors un visa d'une durée de deux ans. Mon partenaire ou collaborateur de l'autre côté n'aura, par contre, jamais un visa de deux ans pour venir en Algérie. A chaque fois que je l'invite, il doit demander le visa. Et c'est la même chose pour un entrepreneur ou un autre cadre. C'est à ce niveau que notre législation doit être réajustée de manière à ce qu'elle permette une bonne mobilité, notamment des chercheurs, des enseignants, des cadres, des hommes d'affaires, des entrepreneurs, etc. Mais je pense que c'est en cours. Les autorités algériennes sont conscientes de la nécessité de réaménager nos lois en fonction des nouvelles réalités économiques. Un projet est passé récemment en conseil du gouvernement, une loi qui va modifier les conditions de séjour des étrangers en Algérie. On attend que cela soit promulgué. Que faudrait-il changer dans ces textes de lois ? La possibilité de ramener des cadres de l'étranger est certes consacrée par la loi. Des facilités sont même accordées selon l'importance du projet. Mais il reste impératif d'assouplir les textes de loi de façon à rendre plus facile la mobilité de la main-d'œuvre. Il faut également offrir la possibilité aux travailleurs étrangers de venir s'installer avec leur famille en Algérie. Actuellement, la plupart des étrangers qui viennent travailler en Algérie sont des célibataires. On ne peut pas continuer à laisser ces travailleurs étrangers vivre dans des bases de vie. S'ils ont des enfants, il faut qu'ils puissent les inscrire normalement à l'école ou à l'université. A l'heure actuelle, nous n'avons pas ce type d'accompagnement qui aurait encouragé les étrangers à s'y installer. Il y a aussi la question des comptes en devises. En touchant des dinars, un étranger ne pourra donc pas envoyer de l'argent à sa famille, sinon il devrait passer par le marché informel de la devise. J'estime qu'il y a encore beaucoup à faire. Surtout avec nos voisins. L'une des conditions de développement de l'Algérie et des autres pays maghrébins est la mobilité intramaghrébine. Comment appréciez-vous les rapports entre l'Algérie et les autres pays maghrébins en matière d'emploi ? Comparativement aux pays maghrébins, si en Algérie un permis de travail pour un salarié est délivré pour une durée de deux ans renouvelable, en Tunisie, c'est pour une année renouvelable. Par rapport aux pays européens, plus précisément le cas de la France, on délivre un certificat de résidence de 10 ans. C'est un cas spécifique réglementé par une convention bilatérale. Les Algériens peuvent obtenir un certificat de résidence en France à condition qu'ils aient déjà un emploi. Le grand problème n'est donc pas avec la France ou avec l'Europe, mais plutôt avec les autres pays maghrébins. Il n'y a pas de mobilité intramaghrébine. C'est là que le bât blesse. Si vous regardez les Algériens en Tunisie, ils sont bien dispensés du droit de visa de l'agence de l'emploi. L'inverse n'est pas valable. Le code du travail tunisien dispense les Marocains et les Algériens de visas, c'est-à-dire de passer à l'agence de l'emploi pour obtenir une autorisation de travail. Il suffit qu'ils justifient un contrat de travail en bonne et due forme pour commencer à travailler. Ils ne font que l'enregistrement. La législation tunisienne est donc plus ou moins en avance par rapport à la législation algérienne. L'harmonisation de nos législations au niveau du Maghreb doit tendre vers les clauses du traité de l'UMA qui garantit la liberté de la circulation des personnes et de la main-d'œuvre. Pourquoi l'Algérie n'applique-t-elle pas systématiquement le principe de réciprocité ? Je crois qu'entre l'Algérie et la Tunisie, il y a un petit contentieux. Ce n'est pas un conflit. Mais le mécanisme ne fonctionne pas de la même manière entre les deux pays. Cela, à mon avis, va être réglé. Les raisons m'échappent. Je pense qu'une solution est en vue. J'ai eu à en discuter avec des patrons et des syndicats. Je pense qu'il va y avoir une solution pour que les Tunisiens puissent bénéficier de la réciprocité. C'est le principe de la diplomatie. Les Marocains aussi souffrent beaucoup. Si vous regardez le code de la nationalité, au bout de sept ans en Algérie, vous avez le droit à la nationalité. Mais je connais beaucoup de Marocains qui ont traîné 10 à 15 ans devant les tribunaux pour obtenir la nationalité. La modification en 2005 de la loi sur la nationalité permet à la mère de donner la nationalité à son enfant. Mais cela ne règle le problème que partiellement. En Algérie, pour avoir la nationalité, on applique le droit du sang. Pour modifier ce système, il faudra du temps. La France a consacré le droit du sol parce qu'elle a besoin d'une main- d'œuvre étrangère. C'est le cas de l'Australie, du Canada et de beaucoup de pays qui sont confrontés à des difficultés pour renouveler leur population. Cela dit, le problème de nationalité entre l'Algérie et le Maroc est éminemment politique.