Ils parcourent toute la région du centre, Bouira, Boumerdès, Tizi ouzou, Béjaïa… D'une décharge publique à une autre, ils sont quotidiennement à la recherche de produits recyclables (du verre, du plastique et du fer) qu'ils vendent à des centrales de recyclage. Deux de ces jeunes, rencontrés dans la région d'Illiltène, à 70 km de Tizi Ouzou, nous disent être originaires de Bouira. « J'ai fait plus de 150 km pour venir ici », déclare Omar. Tôt le matin, ces jeunes prennent la route pour une longue marche, la fatigue se lit sur leurs yeux, rougis par le manque de sommeil et les longs trajets. « J'ai commencé ce travail à l'âge de 7 ans, et cela fait 14 ans que je le pratique », témoigne-t-il encore. Avec lui, un autre garçon, Mohamed, à peine âgé de 16 ans. Il est en bas, tout au fond du ravin ; sur ses épaules, des morceaux de fer, des ustensiles et des chaises en plastique qu'il vient de récupérer. Selon notre interlocuteur, il a hérité cet emploi du cheikh, le père, puis de son frère, khouia. Ils vivent les mêmes conditions désastreuses, de père en fils ! Pour lui, ce travail et loin d'être un métier, mais la situation l'y oblige. Il ne cache pas d'avoir été un jour malade, victime d'une infection. « Machi hala, ce n'est pas une vie ! », dit-il. La saleté dévore son corps ; sans assurance ni couverture sanitaire, ils sont chaque jour devant les portes de la précarité. A la fleur de l'âge, leurs rêves sont coincés entre les poubelles et le mur ! Ils récupèrent des produits qu'ils vendent entre 15 et 20 DA le kg ; mais Mohamed rectifie : « Moins de 10 DA le kg », toute matière confondue. C'est un prix qui monte ou descend selon l'acheteur. La matière est vendue à des sous-traitants, souvent de Blida, qui, eux, à leur tour, la proposent à des usines spécialisées. « Le fer est acheminé vers la ville de Annaba ; le plastique vers Alger et le verre vers Sétif », précise Omar. Ils gagnent entre 10 000 et 15 000 DA le mois. Certains disent travailler pour des particuliers qui disposent de véhicules ; juste un tiers de la recette leur revient ; le propriétaire, lui, prend sa part et la part du transport. Un salaire arraché à la misère ; de l'argent au fond de la crasse : « Tant qu'il y a des poubelles, il y a de l'espoir ! », ironisent-ils. Le travail se fait à mains nues, sans gants, ni casque ou masque de protection. Livrés aux odeurs nauséabondes que dégagent les dépotoirs et les maladies qu'ils peuvent receler, loin des sentiers ordinaires, exploités sans voie de recours, ces gamins gagnent leur vie au prix de leur jeunesse, ils font des rêves qui se trouvent déjà au fond d'un ravin s'ils ne fuient la hogra en se jetant au fond de l'abîme, prenant le sentier tortueux des harraga.