Si, en France, les mesures de conservation prévues pour le plus grand chantier actuel, une autoroute de 150 km, sont jugées insuffisantes, en Algérie, le Parc d'El Kala sera traversé par un tronçon de l'autoroute Est-Ouest. Jeudi 20 mars, le comité permanent du Conseil de la protection de la nature français, l'équivalent de notre Haut Conseil de l'environnement, créé en 1994, mais qui ne s'est jamais réuni, a jugé insuffisantes les mesures de conservation prévues pour le plus grand chantier actuel de France, l'A.65, une autoroute de 150 km de long, entre Pau et Langon, dans le sud-ouest de ce pays. Les impacts sur la biodiversité sont trop importants et menacent, entre autres, l'habitat d'une espèce en voie de disparition : le Vison d'Europe (Mustela lutreola). C'est parce que les mesures prises par les constructeurs sont incertaines et ne garantissent pas la survie de l'espèce que le comité permanent du Conseil de la protection de la nature a rejeté la demande d'autorisation des travaux. Cet organe consultatif met dans l'embarras le ministre de l'Environnement, Jean-Louis Borloo, qui ne peut aller contre cet avis, même si le droit le lui permet car, il avait lui-même annoncé le gel des projets autoroutiers, parce que la France s'est engagée internationalement à stopper la perte de sa biodiversité avant 2010. Le dossier devra être amélioré et représenté au Conseil. En attendant, les travaux doivent être stoppés. L'A 65 fait par ailleurs l'objet de plusieurs recours juridiques, notamment auprès du Conseil d'Etat. Dans ce même pays, en Alsace, une requête similaire a été introduite pour demander l'annulation du projet de contournement autoroutier de Strasbourg (2 X 2 voies sur 24 km). « C'est un projet en total porte-à-faux avec l'esprit de l'après-grenelle de l'environnement », estime le maire de Kolbsheim, une commune qui est partie civile. Au moins cinq autres recours devaient également être déposés à titre individuel ce jeudi auprès du Conseil d'Etat. Soulignons que jusque-là, la société civile n'a pas eu encore à se manifester car les institutions concernées ont fonctionné dans la transparence, avec compétence et indépendance, dans le strict respect des lois et des procédures. S'il faut faire une comparaison avec chez nous l'affaire du tronçon de l'autoroute Est-Ouest qui traverse le Parc national d'El Kala, signalons tout de suite que dans le cas français, il n'est pas question de traverser un parc national ou un tout autre espace protégé. Ce genre de chose n'est plus envisageable partout dans le monde, même dans les pays les moins avancés. L'Algérie a solennellement souscrit aux mêmes engagements comme beaucoup de nations de la planète qui ont pris conscience de l'urgence de sauver ce qui peut l'être encore. Des engagements qui, au sens de la loi, se placent au dessus de la Constitution. Mais, bien avant cela, c'est une loi nationale, les statuts des parcs nationaux algériens, que les pouvoirs publics piétinent avec le passage de l'autoroute dans le Parc national d'El Kala. Malgré les engagements officiels et publics de juillet dernier du ministre des Travaux publics, les travaux lancés début février dans le Parc national se poursuivent à un rythme soutenu. Le défrichement est achevé. Depuis une quinzaine de jours, les niveleuses et les pelles sont entrées en action à leur tour pour régulariser et rectifier l'assiette. Des centrales à béton sont en cours de montage aux limites du parc. Mais, tout ceci n'effraie pas les écologistes pour qui « tant que les constructions n'ont pas commencé, l'espoir est permis car il y a forcément des gens de bonne volonté dans ce pays et que si le massacre est stoppé à temps, la nature recouvrera ses droits tôt ou tard ». La pétition lancée sur Internet (www.sauvonsleparc.org) en juin 2007 par le collectif de citoyens qui s'est constitué en comité de sauvegarde du PNEK (CSPNEK), a dépassé les 12 000 signatures. Fait unique en son genre, elle sera remise dans un ultime recours au président de la République, après que le chef du gouvernement, à qui on impute la décision de faire passer l'autoroute dans le parc, reniant ainsi les engagements de son ministre des Travaux publics, se fut définitivement et clairement prononcé sur cette question laissée dans le flou. Les écologistes envisagent également de recourir à la justice comme le prévoit la loi sur l'environnement.