Le ministre des Travaux publics a rassuré que l'environnement «est bien pris en charge», et qu'une éventuelle déviation de l'autoroute coûterait à l'Etat environ 350 milliards de dinars. L'autoroute Est-Ouest menace-t-elle réellement le parc national d'El Kala? Cette question a suscité la controverse ces derniers temps. Les «Amis de la faune et la flore» assurent que oui. Comment? Pour eux, le tronçon traversant ledit parc «va réduire ou supprimer de manière définitive les aires de certaines populations animales et végétales». Cette question et d'autres qui vont dans le même sens, nous les avions posées à M.Amar Ghoul, ministre des Travaux publics. Ce dernier nous a reçus, mercredi dernier, au siège de son département. Au menu: Des réponses à la question précitée. Sans ambiguïté et loin de la langue de bois à laquelle nous ont habitués les responsables politiques, mais, au contraire, avec franchise et clarté, M.Amar Ghoul a décidé d'expliciter le cas à L'Expression. Il a apporté, ainsi, toutes les précisions sur le sujet en question. Les volets environnemental, esthétique, touristique et socioéconomique ont été abordés. En voici les détails. D'emblée, le ministre a tenu à rappeler le contexte dans lequel ce projet a été programmé. «Cette autoroute s'inscrit dans le cadre de l'autoroute transmaghrébine», a-t-il souligné. En fait, le projet a été adopté dans le cadre de l'UMA. Le ministre affirme que «l'Algérie a adopté le tracé en 1987, lors du conseil des ministres» réuni, à l'époque, sous la présidence de Chadli Bendjedid. «En ce moment-là, les points de liaison reliant l'autoroute de l'Algérie à celles du Maroc et de la Tunisie, ont été arrêtés», par les experts internationaux. Pour la concrétisation du projet, le ministre a expliqué que «son département a très bien étudié ledit tronçon». Quelle est votre appréciation du tracé, M.le ministre? «Nous avons dégagé, répond-il, une dizaine d'études variantes pour ce passage. Finalement, nous avons retenu le même passage, adopté en 1987, mais nous l'avions optimisé». C'est-à-dire? «Je m'explique»: «Parmi toutes les possibilités proposées, nous avons jugé que la meilleure solution est d'optimiser le passage retenu en 1987», pour minimiser les dégâts. Pour mettre en exergue le bien- fondé de ses dires, le premier responsable des travaux publics s'est appuyé sur le fait que la proposition retenue par son département «a été approuvée par le conseil interministériel, ensuite par le conseil de gouvernement et enfin adopté par le conseil des ministres». Dans ce sens, M.Amar Ghoul a encore réaffirmé que ce passage est un simple «tracé de 15km, qui traverse une région semi-urbaine. Cela veut dire qu'il ne représente aucun risque de dégradation pour ce parc». Par le langage des chiffres, le ministre a réitéré «que la surface du parc est estimée à 780km², tandis que celle du tronçon qui le traverse est de 1,5km², soit un tracé concernant 0,2% de la surface du parc.» Continuant ses explications, M.Amar Ghoul a précisé que «le tronçon de l'autoroute ne traversera ni les lacs ni les massifs forestiers, et il ne pourra, cependant, contourner le parc sans perdre son objectif et sa dimension maghrébine». Mais, M.le ministre, n'y a-t-il pas vraiment d'autres alternatives? Autrement dit, n'y a-t-il pas une étude ou une possibilité pour éviter de traverser le Pnek? A ces questions, le ministre dira ceci: «Il y une option de faire passer l'autoroute à l'extérieur du parc. Mais, cette déviation nous oblige à traverser une zone montagneuse accidentée qui ne servirait pas à grand-chose au pays». Au contraire, selon le ministère, ce contournement va causer des pertes considérables à l'Etat, et ce, sur tous les volets. Pour traverser la zone montagneuse, cela nécessiterait le creusement d'«un tunnel de 20 km pour un coût de 150 milliards de dinars.» Ce montant permettrait à l'Etat, selon notre interlocuteur, de «construire environ 300.000 logements». Ce n'est pas tout. Une éventuelle déviation retarderait la réalisation du projet. «Le délai de la réalisation s'en trouverait prolongé de cinq ans», a-t-il mentionné. Et de porter une autre précision «avec un retard de cinq ans, le projet perdrait son caractère transmaghrébin du fait qu'il ne pourrait plus faire la jonction avec l'autoroute de Tunisie». Encore, pour relier l'autoroute algérienne à celle de la Tunisie, dans le cadre toujours du transmaghrébin, le ministre a précisé qu'il faut «débloquer une autre enveloppe de 200 milliards de dinars.» Au total, la déviation du tracé à l'extérieur du parc nécessite de débloquer une enveloppe supplémentaire «de 350 milliards de dinars, soit l'équivalent de la construction de plus de 700.000 logements», a-t-il insisté. Ces explications ne justifient en rien la menace de disparition d'un tel bijou écologique, n'est-ce pas M.le ministre? «Mais qui a parlé de la menace de l'environnement?», s'est-il interrogé. Sur ce fait, il a insisté: «Tous les aspects liés, entre autres, à la pollution, la nuisance sonore et la protection de la faune et la flore du parc avaient été pris en charge par cette étude». D'après le ministre, son département a pris en charge toutes les mesures environnementales. «Notre étude prend en considération les volets socioéconomique, esthétique, touristique et écologique» Et de nous expliquer: «Nous avons recensé toutes les espèces végétales et animales du parc, sur le base des images satellitaires. Nous possédons des listes bien détaillées des oiseaux protégés dans les différentes zones. Idem pour les autres animaux sauvages et domestiques, (là, le ministre nous montre les études faites dans ce sens, Ndlr). Le bureau d'études japonais, chargé de ce volet, possède tous les détails sur les richesses écologiques du parc. Je persiste et je signe que l'étude qui a été faite présente un intérêt particulier pour la faune, la flore, le sol et le sous-sol, les eaux, l'atmosphère, les paysages...». Mieux encore, M.Ghoul a insisté sur le fait que cette étude implique les moindres détails ou même «le milieu de vie du mille-pattes sera respecté». Parmi ces mesures, il est prévu, d'après la même source, la plantation d'un rideau boisé le long du tracé. «Cela pour développer le volet esthétique de la région.» Sur cet aspect, le ministre a souligné que l'Etat a dégagé une enveloppe spéciale pour la protection de la faune et la flore ainsi que pour développer le côté esthétique du parc. Dans le même ordre d'idées, beaucoup d'observateurs estiment que le parc est en totale déperdition depuis sa promulgation officielle comme entité, et classée en 1983. Egalement, plusieurs routes ont été réalisées autour du parc, sans que personne ne crie ou conteste ce fait. Les mêmes observateurs s'interrogent quant à la controverse sur un projet gigantesque comme celui-là, d'autant plus, estiment-ils, que les volets écologique et esthétique sont bien pris en charge. En développant le côté esthétique et en sauvegardant, même développant, le volet environnemental, cela débouche, par ricochet, sur le développement de l'aspect touristique en Algérie. Le ministre en est conscient. D'autant plus qu'El Kala est une région très proche de la Tunisie, et connue pour sa réputation touristique. «Le passage de l'autoroute par le Pnek, va permettre aux étrangers de venir découvrir l'un des plus beaux parcs de l'Afrique du Nord» et même de la Méditerranée, a souligné le ministre. D'après lui, c'est dans ce sens que s'inscrit l'enjeu socioéconomique de l'autoroute Est-Ouest. «Justement, tous les volets sont bien étudiés, notamment celui du développement local». Selon les propos de Amar Ghoul, le tracé ne va absolument pas déclasser le parc national. Au contraire, dit-il, cette optimisation «va donner au parc toute sa dimension et il sera exploité à sa juste valeur». Par ailleurs, Amar Ghoul, a tenu à citer des exemples de cas similaires, où des parcs nationaux d'envergure, ont été traversés par les autoroutes. Il commence par le Canada. «Le parc de Banff au Canada a été traversé par deux fois, par quatre voies par la transcanadienne sur une longueur de 7 500 km. Ce parc est pourtant classé site du patrimoine mondial», a rappelé le ministre. «Idem pour le parc national Jaspers». Et de poursuivre: «En France, c'est pareil. L'autoroute A20 Montauban-Brive traverse une des régions de France particulièrement réputée pour ses paysages et son patrimoine. Une zone particulièrement sensible et protégée.» Les exemples sont nombreux. Au Japon, également. Le parc national de Onuma, dans l'île de Hokkaïdo est traversé par l'autoroute. Le cas similaire est signalé aux Philippines. Citant ces exemples, le ministre confirme, s'il y a lieu, que le cas du Pnek n'est pas un cas isolé. Amar Ghoul rappelle que l'étude autour du parc d'El Kala a été présentée aux autorités régionales de Annaba et d'El Tarf. Et approuvée par celles-ci au même titre que les citoyens, n'ont pas contesté le passage de l'autoroute à l'intérieur du parc. «Je vous confirme que la population de la région est favorable à ce que l'autoroute passe par le Pnek», a assuré M.le ministre. Enfin, le premier responsable du département des travaux publics invite tous «les contestataires» à proposer des solutions meilleures que celles retenues. «Nous sommes et nous restons toujours ouverts à toute proposition fondée et pouvant optimiser le projet», a-t-il conclu. Amar Ghoul réaffirme, d'autre part, que jamais une étude pareille n'a été établie en Algérie. De leur côté, les «contestataires» du tracé affirment et signent que le parc national est en danger. Jusqu'à preuve du contraire, l'autoroute Est-Ouest passera donc par le parc d'El-Kala comme prévu suivant un tracé dont les travaux débuteront lors la phase finale du projet.