La solution à la crise politique qui secoue depuis plusieurs jours l'Ukraine suite aux résultats contestés de l'élection présidentielle qui avait donné vainqueur le candidat du pouvoir, l'ancien Premier ministre Ianoukovitch, passerait-elle, comme le soutient le Pouvoir en place en perte de vitesse, par la partition de l'Ukraine ? La menace de sécession brandie la semaine dernière par trois régions russophones ukrainiennes proches de Ianoukovitch, dans le cas où le candidat de l'opposition Victor Iouchtchenko prendrait le Pouvoir, apparaît comme une carte politique de choix que le Pouvoir, entend bien utiliser pour reprendre l'initiative politique dans son face-à-face avec l'opposition. Celle-ci marque de plus en plus de points à mesure que les jours passent et que la crise s'installe dans la durée. Après avoir perdu la bataille de la légitimité populaire face au raz de marée de la rue ukrainienne qui bat le pavé depuis deux semaines déjà depuis l'annonce des résultats contestés de l'élection présidentielle, le Pouvoir, avec à sa tête le président sortant Leonid Koutchma, confronté à de vives pressions extérieures émanant des Américains et de l'Union européenne qui dénoncent le coup de force électoral, tente de se ménager une porte de sortie en brandissant le spectre de l'autonomie du pays. La particularité des trois régions du sud et de l'est du pays qui ont proclamé par la voix de leurs gouverneurs leur volonté de couper le lien ombilical avec Kiev réside dans le fait qu'il s'agit du triangle utile ukrainien qui fournit l'essentiel des richesses du pays de par son tissu industriel. La menace vaut donc son pesant d'inquiétude quand elle parvient aux oreilles des Ukrainiens du nord ou des autres régions du pays nettement moins bien nanties. Pour mieux faire peur encore et semer les graines de la division et de l'existence de deux peuples différents, on n'hésite pas à jouer sur la fibre religieuse en opposant l'Eglise du Nord, proche du Vatican, et les croyances religieuses des populations du Sud soumises à l'église orthodoxe russe. Le scénario de la sécession des régions du Sud et de l'Est, dont les responsables ont même évoqué l'idée de la tenue d'un référendum populaire pour soutenir ce processus, peut ne pas être qu'un simple coup de bluff politique destiné à tétaniser l'adversaire et à susciter un sursaut populaire autour de la préservation de l'unité nationale menacée d'éclatement à la suite des évènements qui secouent le pays. L'étau, qui se resserre de plus en plus sur le pouvoir en place, peut bien en effet conduire ce dernier à se lancer dans la politique du pire pour se sortir de l'impasse en poussant au pourrissement dans la perspective du démembrement du pays. Le candidat de l'opposition a tort à cet égard de sous-estimer les menaces sécessionnistes des régions du Sud qui sont inspirées et soutenues, tout le monde l'aura compris, par les autorités centrales de Kiev. Victor Iouchtchenko a qualifié les déclarations des milieux proches du Pouvoir ukrainien sur la partition de l'Ukraine de « menace imaginaire » dans un entretien au Wall street Journal publié hier. « Le régime sortant est en train de menacer l'Europe de séparatisme et de dissolution de l'Ukraine ; il s'agit d'une menace imaginaire, artificielle. Elle n'existe pas », a assuré M. Iouchtchenko. « Le peuple ukrainien sait qu'un Etat-nation économiquement prospère, tolérant sur son bilinguisme et sa société multiethnique, est la force de l'Ukraine et non pas sa faiblesse », a-t-il affirmé. Le procureur général ukrainien Hennadi Vassiliev a ouvert à cet égard des enquêtes contre des actions visant à « modifier par la force le régime constitutionnel » en Ukraine et portant « atteinte à l'intégrité territoriale du pays ». « Après l'élection présidentielle (...), nous assistons à des actions visant à modifier par la force le régime constitutionnel du pays, à une prise du pouvoir d'Etat, à des atteintes à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de l'Ukraine », a déclaré le parquet dans un communiqué. Selon les observateurs politiques, l'allusion du procureur aux milieux autonomistes n'en est que plus claire. Il reste à savoir si la justice ukrainienne est suffisamment libre et indépendante du pouvoir politique pour imposer le droit et sauver le pays d'un autre scénario de démembrement qui pointe le nez après avoir connu le démembrement de l'ex-empire soviétique.