Alors que des milliers de partisans du candidat de l'opposition Victor Iouchtchenko ont manifesté hier durant des heures, le Parlement ukrainien, où devait se tenir une séance extraordinaire consacrée à la crise politique née de l'élection présidentielle du 23 novembre dernier après la proclamation de la victoire contestée du candidat du pouvoir Victor Ianoukovitch, à l'intérieur du bâtiment, le président de l'institution a déclaré que l'annulation de l'élection présidentielle est la solution la plus « réaliste » pour sortir de la crise en Ukraine. « La décision politique la plus réaliste, compte tenu des accusations mutuelles (entre le pouvoir et l'opposition) d'irrégularités et de violations massives, est de reconnaître le scrutin invalide parce qu'il est impossible d'établir le résultat du vote », a déclaré M. Litvine lors d'une séance extraordinaire du Parlement. Celui-ci, après avoir fustigé la commission des opérations de vote, a également proposé d'autres solutions pour régler la crise, notamment de procéder à la réforme constitutionnelle qui doit renforcer les pouvoirs du Premier ministre et du Parlement au détriment de ceux du Président. Le vainqueur officiellement proclamé, le Premier ministre Viktor Ianoukovitch, peut « aussi proposer à son rival de diriger le gouvernement », a poursuivi le président du Parlement. M. Litvine dirige le parti agrarien ukrainien, mais garde au Parlement une position neutre et ne se range ni du côté de la majorité pro-Koutchma ni du côté de l'opposition. Ces propositions du président du Parlement, pourtant non contraignantes, interviennent, faut-il le préciser, au lendemain de la réunion qui a regroupé, sous l'égide du président sortant Léonid Koutchma, les deux protagonistes de l'élection présidentielle et les médiateurs étrangers dont celui de l'Union européenne, Javier Solana. Il a été décidé à l'issue de cette réunion de poursuivre les négociations, mais cela ne semble pas suffisant pour le candidat de l'opposition Victor Iouchtchenko qui a tout simplement exigé l'organisation d'un nouveau second tour de scrutin, le 12 décembre. Il a en outre promis qu'il n'accordait que quelques jours aux négociations, après quoi ses partisans passeraient à l'action. Une à une, des célébrités du monde artistique, sportif et culturel ukrainien sont venues se jeter dans la bataille médiatique contre le pouvoir prorusse pour, selon elles, faire « reconnaître la volonté de leur peuple » de « tourner la page » sur un régime incarnant « un passé » révolu. Des dizaines de concerts et de spectacles ont été organisés par des artistes ukrainiens sur la place de l'Indépendance, théâtre de manifestations sans précédent dans le pays, relayés en continu par la chaîne de télévision privée de l'opposition, Kanal 5, regardée dans beaucoup de lieux publics à Kiev. Le monde sportif n'est pas en reste avec les frères Vitaly et Vladimir Klitschko, boxeurs de réputation internationale, l'attaquant international Sergueï Rebrov (West Ham) et l'ex-capitaine du Dynamo de Kiev, Oleg Loujnny, qui ont tous deux exprimé leur soutien aux forces réformatrices. Plus terne, le camp des pro-Russes, qui avait mobilisé principalement pour la cause la médaillée olympique de natation, Yana Klochkova, le perchiste Sergueï Bubka, la gymnaste Lilia Podkopaieva et le joueur de football Andrei Shevchenko, tous très populaires, n'a pas déployé les moyens médiatiques mis en place par l'opposition. Mais pour l'heure, la demande d'annulation du second tour par le Parlement risque d'ouvrir davantage, comme l'a souligné l'ancien président Gorbatchev, la fracture entre deux « Ukraine », l'une russophobe, gréco-catholique à l'ouest du pays et par conséquent pro-occidentale, et l'autre russophile, orthodoxe à l'Est et qui a voté massivement pour Ianoukovitch. Mais tout le monde attend le verdict de la Cour suprême qui se prononcera lundi prochain.