Quarante-deux ans après l'indépendance, dans la wilaya de Souk Ahras, comme dans d'autres régions similaires, le long de la bande frontalière, et même à l'intérieur du pays, les habitants n'en ont pas fini avec les affres de la guerre de Libération et continuent d'en souffrir. De fait, semées dans cette bande frontalière, le long de la ligne Challe-Morice de triste mémoire, beaucoup parmi les barbelés, les mines antipersonnel, plusieurs sortes de mines, autant de variétés pour attirer des vies humaines à la mort et pour les déchiqueter, continuent à faucher des innocents. Et ce, malgré les différentes opérations de destruction des mines effectuées au lendemain de l'indépendance. Le dernier accident remonte au 17 mai 2001 dans la commune d'Ouled Driss, où presque toute la famille Guerfi a été décimée ; deux fillettes et un bébé ont trouvé la mort, et deux autres personnes ont été blessées, dont la mère qui a perdu la jambe gauche et vu l'évolution de son état risque de perdre l'autre. Innocemment, prenant ce bidule pour un jouet, les fillettes l'ont ramené à leur maison à la mechta Ouled Ahzaz, et le drame a eu lieu. Des sources officielles font état de la découverte de trois mines le 24 septembre 2002 au milieu du village Aïn Zana, deux mines antichar et une autre antipersonnel. Si elles n'explosent pas, emportant avec elles des vies humaines, les mines sont découvertes occasionnellement, principalement lors des labours. Après de fortes pluies, l'érosion les fait remonter à la surface. Ces engins de la mort ont fait jusque-là des ravages dans les communes d'Ouled Driss, de Aïn Zana, d'Ouled Moumen, de Mechrouha, etc. Depuis l'indépendance, l'on a enregistré des centaines de morts et de gens handicapés à vie. Certains parlent de plusieurs milliers. Selon la liste établie par les soins de l'Association de wilaya des victimes de mines antipersonnel et des bombes, on compte 511 personnes ayant eu un accident dû à l'explosion de mines antipersonnel. A la direction des moudjahidine de la wilaya de Souk Ahras, le nombre de pensionnés est de 327, chiffre susceptible de hausse et de baisse, lorsque certains d'entre les pensionnés (la gent féminine) décèdent. Un cas concret : Mokhtar Guerfi, 57 ans, président de l'Association de wilaya des victimes de mines antipersonnel et de bombes, avait perdu sa jambe lorsque, fin 1963, quittant la ferme où il suivait à 14 ans une formation d'infirmier prodiguée par les éléments de l'ALN, et regagnant son domicile dans la mechta Ouled Ahzaz, il marchera sur une mine. Il se retrouvera sur un lit d'hôpital. Un autre cas, celui du vice-président de cette association, Difi Ramdane, la cinquantaine, qui a eu cet accident au mois d'août 1962. Il avait 8 ans, lui aussi y a laissé une jambe et a dû arrêter ses études. Plus tard, la Croix-Rouge suisse le transférait à Constantine pour lui faire un appareillage. La pension pour un invalide à 100% n'atteint pas le SMIG, puisqu'elle ne peut excéder les 7500 DA. Les deux membres de l'association insistent sur l'augmentation de la pension. L'un et l'autre, avec un taux d'invalidité de 70 et 65%, ne touchent pas plus de 5000 DA/mois. Encore que le premier est retraité d'une structure militaire et l'autre travaille toujours à la mairie de Souk Ahras. Selon Mokhtar Guerfi, beaucoup n'arrivent pas à joindre les deux bouts, car ils ne travaillent pas. Ils demandent à ce que le recours quant au taux d'invalidité soit possible. Après l'accident, la commission médicale de la wilaya étudie le dossier de la victime, puis c'est au tour de la commission médicale du ministère des Moudjahidine de le faire et de rendre une décision d'invalidité définitive. Si dans certains cas de figure, précisément dans celui du handicap moteur, qui est prédominant, l'infirmité n'évolue pas avec l'âge, l'incapacité de se mouvoir, elle, devient importante, selon certaines gens concernés. L'on nous dit aussi que beaucoup de gens ont eu des accidents avant 1962, et eux réclament le fait de bénéficier de cette pension.