La grève à laquelle ont appelé hier vingt syndicats autonomes de la Fonction publique a été surtout suivie dans les secteurs et les établissements où sont largement représentées ces organisations au niveau de la capitale du pays. Beaucoup de lycées et de collèges de l'Algérois étaient bloqués. C'est le cas, avons-nous constaté, dans certains établissements d'Alger-Centre, d'El Biar, de Ben Aknoun et de Kouba. Les lycées où sont implantés les deux syndicats de l'éducation nationale, le Conseil national de l'enseignement secondaire et technique (Cnapest) et la Coordination des lycées d'Algérie (CLA), les cours n'ont pas eu lieu. Les élèves ont été d'ailleurs contraints de quitter leur établissement dès les premières heures de la matinée, à l'image du lycée El Idrissi, au boulevard Aïssat Idir. Hier vers 13h, seule une dizaine d'élèves se trouvait encore aux alentours de cet établissement. Mais ce n'est pas le cas dans plusieurs autres établissements scolaires à Alger, primaires et secondaires, où les cours ont été assurés normalement, à l'image du CEM Mohamed Chouiter d'El Biar. « Certains n'ont pas suivi le mot d'ordre de grève lancé par les syndicats autonomes de peur des représailles de la tutelle », selon un enseignant rencontré devant un collège d'Alger-Centre. Par ailleurs, à l'université des sciences et des technologies Houari Boumediène (Bab Ezzouar) et dans les hôpitaux Mustapha Pacha et Debaghine (ex-Maillot), enseignants, médecins, infirmiers et travailleurs du secteur de la Fonction publique ont suivi le mot d'ordre de grève, a-t-on constaté sur place. Le Cnes et le Snapap, fortement implantés à l'USTHB, rééditent le succès de la grève observée par les syndicats autonomes au mois de février. Ils ont une nouvelle fois réussi une forte mobilisation. A l'hôpital Maillot, un piquet de grève de 9h à 12h a été observé par le corps des médecins spécialistes de la santé publique. Par contre, à l'université des sciences politiques de Ben Aknoun, rien n'indiquait hier à notre arrivée sur place que c'était une journée de grève. Les étudiants se bousculaient à l'entrée des amphithéâtres. L'ambiance était plutôt ordinaire. « Je n'ai aucune idée de cette grève. Ici l'événement tourne autour du décès de l'un de nos enseignants, informaticien de son état », selon le vice-secrétaire du doyen de l'université. Approché, un enseignant donnant l'air d'être visiblement pressé, s'est excusé et est allé assurer son cours. « Personnellement, je ne suis pas au courant de cette grève », nous a-t-il dit sèchement. La salle des enseignants, qui était à notre passage pleine, est un indice qui renseigne sur le fait que dans cette université les enseignants n'ont pas séché les cours. L'expression de cet enseignant en sciences politiques interrogé sur place suffit à résumer le ras-le-bol que vivent les travailleurs de la Fonction publique, en particulier ceux des universités. « La frustration peut engendrer la résistance tout comme elle peut engendrer si elle persévère une sorte de nihilisme et de repli sur soi », estime-t-il. Ainsi, pour lui, « l'université n'est qu'une illustration ». Il poursuit : « On meurt à petit feu et on agonise. » Et il tranche : « Le plus grave dans tout cela, c'est que c'est l'Algérie qui se meurt. » Cet universitaire préfère parler de « ras-le-bol total » en évoquant « une forme de suicide collectif ».