Les populations cantonnées entre Zaaroura et la nouvelle cité dite « El.Manar » s'impatientent depuis le début des années 1980. « Messieurs les responsables, jusqu'à quand notre calvaire et celui de nos enfants va continuer, à l'heure où les maladies nous guettent à chaque parcelle de ces cloaques, nous, qui vivons dans des conditions pénibles, été comme hiver, et à un moment où nos enfants quittent prématurément l'école ? ». Voilà un préambule pathétique qui illustre parfaitement le mal-vivre et surtout l'impatience de ces populations cantonnées entre Zaaroura et la nouvelle cité dite « El Manar », depuis le début des années 1980. Des chaumières et des baraques construites en « Toub », en zinc et en tôles ondulées, dans une indescriptible anarchie urbanistique qu'aggrave la proximité du pipeline. Ni eau, ni assainissement, et encore moins de l'électricité. Ceux qui n'ont pas pu se faire parvenir un fil électrique dans le cadre de la rétrocession, continuent à s'éclairer à la bougie. Bien plus, aux fosses sceptiques qui pullulent et qui continuent de dégager des odeurs nauséabondes, s'ajoute la ligne haute tension qui passe sur leurs têtes et reste un autre danger qui plane. « Après vingt ans de présence dans ces lieux maudits, nous commençons à perdre espoir », dira Djillali qui, en dépit de la pauvreté qui le happe, tenait à nous faire partager son plat de couscous. Il faudrait, avec tout le respect aux hommes de l'Algérie profonde, partager leur quotidien pour mesurer le drame. Incommensurable. La vie dans ce ghetto est une autre blessure qu'« il faudrait panser et surtout valoriser pour que l'effort déployé par l'Etat en notre direction ne soit pas vain », dira une jeune femme au moment où nous pointions notre objectif sur les lieux. Serpenter les dédales dans cet antre de l'infrahumain indispose, devient insoutenable et c'est grâce à un courage mêlé à une certaine forme de fatalisme que le semblant de vie subsiste. Les résidents, qui continuent pourtant à prêter le flanc et l'oreille à tout ce qui se dit à propos du relogement, voudraient alerter pour ne plus vivre comme otages d'une situation où les manufacturiers de la politique tentent de jeter leurs tentacules. En 1997 les autorités locales, en affectant un quota pour éradiquer ce que l'actuel ministre de l'Intérieur qualifiait de « ceinture de la misère », l'espoir avait rejailli chez les gens de ce bantoustan des temps modernes. Une pièce-cuisine à Sonatiba, dans le cadre du RHP (résorption de l'habitat précaire) au profit de plusieurs familles a été le point de départ d'un relogement devenu par la suite problématique sous tendu par plusieurs équations dont celles honteuses liées à l'allégeance, la cupidité et à l'intrusion de la politique dans cette donne sociale. Cellule de proximité C'est à la lumière des conclusions de l'enquête psychosociale menée en 2002 par la cellule dite de proximité, relevant de la DAS (direction de l'action sociale), que les pouvoirs publics ont décidé de rouvrir le dossier. Un dossier où des vérités toutes crues, à la limite de la condition humaine, furent révélées. Une première opération où 157 familles furent relogées à Ain-Bouchekif, suivie par le recasement de 9 autres familles à la cité dite Titanic, en 2003. En 2004, 50 familles ont été acheminées vers Karman et 78 autres vers le centre de transit. 270 autres familles, dont les 78 transitaires de Karman, bénéficieront à leur tour du relogement pour ne subsister que 263 familles et 65 des 71 transitaires. Six familles d'entre ces dernières figuraient sur la dernière liste des 400 logements sociaux à Tiaret. Un effort certes colossal qui appelle une célérité dans l'éradication totale de ces bidonvilles qui non seulement défigurent la ville mais laissent transparaître ce goût d'inachevé tant aux souffrances des gens est venue s'adjoindre cette carte du populisme que certains s'amènent à brandir à la veille de chaque consultation électorale. Le plus dramatique dans l'affaire est que ces petites gens du petit peuple s'impliquent dans le jeu pour susciter la compassion et pour la quête d'un toit décent.