Grâce à l'abnégation de quelques anciens joueurs, l'histoire de l'espérance sportive de Mostaganem, qui se confond intimement avec l'histoire du combat pour l'émancipation des masses algériennes, est en train d'être transcrite pour la postérité. L'idée est née grâce à un petit groupe de fidèles supporters, regroupés autour de Djelloul Boudjemaa et de Larbi Chergui. C'est au cours de l'été 2000, le 2 juillet plus précisément, que ces enfants terribles de l'ESM décident de prendre la décision de redonner vie à leur club. Non pas en intégrant le groupe dirigeant ou en s'organisant en association de supporters, comme c'est de coutume, mais en cherchant simplement à écrire l'histoire de ce club. L'idée qui prit forme sous la canicule de juillet, dans un café de Salamandre, n'allait pas enflammer les foules. Le club qui venait encore une fois de boucler la saison avec des résultats mitigés, se préparait à oublier les frasques d'une année difficile. Pour ces enfants de l'ESM, cette situation ne pouvait perdurer. Avec ces anciens joueurs qui prenaient de l'âge et les membres fondateurs dont la liste s'amenuisait de jour en jour, il fallait parer à l'urgence. Sauver ces bribes d'histoires dont chacun avait été abreuvé depuis sa tendre enfance. C'est ce challenge que Djelloul et ses compagnons décident d'engager contre le temps et contre l'amnésie qui guette. Rapidement, ils créeront l'association « la famille de l'Espérance », que l'ancien défenseur abritera dans sa maison. Afin de mobiliser l'ensemble des amis de l'ESM, Djelloul Boudjemaa, en sa qualité de président de l'association, fera appel à toutes les bonnes volontés. Un comité où l'on note la présence effective de Biba Benguella, trésorier, alors que Abdelkader Mâaskri, Bachir Benameur, Senouci Boukhatem, Mansour Rahmani et Ghali bentifour complètent le staff. Très vite, l'idée fort généreuse de laisser des traces de cette florissante époque sera reprise par de nombreux sympathisants et autres anciens joueurs ; si bien qu'une équipe de vétérans sera rapidement constituée. Grâce à des moyens dérisoires, elle pourra répondre à de multiples invitations d'associations similaires. Rien ne vaut un match de football pour renouer des liens entre les membres de la grande famille, séparés par le destin mais dont l'attachement au club ne sera jamais remisé, nous dira Djelloul qui va dénicher celui qui alimentera l'association en archives de la plus grande importance. Il s'agit de Boumediène Bendjerba, cet ancien joueur des années de feu, qui tient avec ténacité une librairie à la lisière de Raisinville. Resté étonnement actif, malgré un âge qui impose le respect, cet ancien correspondant de l'Echo d'Oran, dont il garde jalousement une collection de l'époque, se souvient comme si cela datait de la veille des premiers soubresauts de la jeune association. Fierté Ayant intégré avec honneur et fierté les rangs de l'Espérance, ce fringant septuagénaire est une véritable bibliothèque ambulante. Sa mémoire infatigable peut raconter les moindres détails de la vie de la cité, avec ses instants de bravoure et ses moments d'égarements, ses joies mais aussi ses peines ; surtout durant la guerre de libération. Ouvrant pour nous un long listing des martyrs de Mostaganem et de sa région, publié par la direction des moudjahiddines, il surprendra ses invités en soulignant que la liste était malheureusement incomplète. A la question de savoir combien de joueurs de l'ESM avaient rejoint les rangs de l'ALN, notre hôte, non satisfait de nous communiquer une liste de 12 martyrs, contera à l'assistance les moindres détails de la mort au combat des ces patriotes aujourd'hui disparus. Sa souvenance du jour et du lieu de l'assassinat par l'OAS, le 4 avril 1962, de M'hamed Benslimane, à l'époque président en exercice du club, avec à ses cotés feu Bendjerba Charef, est stupéfiante de précisions. Entièrement dévoué à sa ville et à ses nombreux amis, celui qui cessera de jouer à la balle pour aller taquiner les mots constitue certainement l'une des sources les plus fiables pour l'écriture de l'histoire. D'autant que le talentueux joueur qu'il fut s'est transformé en véritable collectionneur de livres et surtout de journaux de l'époque. Née sous le signe du capricorne, l'Espérance de Mostaganem était certainement destinée à canaliser l'espoir des habitants de la ville arabe, dont Tigditt constituait le véritable poumon. L'ancienne cité populaire était incontestablement un véritable creuset du nationalisme. Ce n'est point un hasard que les balbutiements du club sportif qui allait briller de mille feux allaient commencer en ce lieu mythique qu'est le minuscule local du groupe « El fellah », une section des Scouts Musulmans Algériens. Le challenge En ce premier jour de l'année 1940, alors que le monde est confronté, encore une fois, à la terrible machine de guerre du régime nazi, que la France coloniale se déchire sous le régime de Vichy et que le général de Gaulle peaufine encore sa fameuse déclaration du 19 juin, un groupe de jeunes militants s'attellent à fignoler les statuts d'une nouvelle association. Avec la guerre et la famine, ce sont ces jeunes nationalistes, pour la plupart fortement imprégnés de la nécessité de changer le monde, qui donneront à la vieille ville une nouvelle raison d'espérer. En ce matin du premier janvier 1940, le vent glacial de l'Ouest qui balaie Tigditt dans le sens de la longueur, confinant les marins à un repos forcé, n'allait pas apporter que de la grisaille. Réunis dans le minuscule local des SMA, le premier noyau qui allait totalement bouleverser l'histoire de Mostaganem s'activait avec fébrilité autour du dynamique « le Parisien ». Un surnom très énigmatique qui désigne celui par qui la toute frêle équipe allait acquérir sa première tenue. Selon la légende, c'est en vendant des bijoux personnels qu'il renflouera la trésorerie. Nos sources précisent également qu'à ses côtés, il y avait Laaredj Berriati et le Dr Benthami. Le choix de cette journée n'est certainement pas le fruit du hasard. Ceux qui l'avaient retenue pour donner naissance à l'Espérance savaient qu'en ce jour l'An, alors que les nouvelles de la métropole ne sont pas du tout réjouissantes, la surveillance policière allait se relâcher. La légende allait enfin prendre forme, dans ce vieux quartier de Tigditt, qui sera le véritable poumon de la cité de Sidi Saïd. A 68 ans, il était temps à l'ESM de se retourner sur son passé pour y puiser les ressources qui lui ouvriront les portes de l'avenir. Nul doute que la participation du plus grand nombre permettra enfin à toute la ville de renouer avec son glorieux passé. C'est le véritable challenge auquel Djelloul, Larbi et les autres se sont jurés de se mesurer. Ils ont pour eux la fougue, la sérénité et l'engagement des tous les sympathisants. Au moment où le club brille de mille feux, ils ne peuvent que réussir.